S’il est une figure de style qui préside au cinéma de Fernando Di Leo, c’est la ritournelle, le mouvement itératif, qui revient, obsessif, et s’accomplit en s’intensifiant dans la répétition de motifs, de plans, de visages, de phrases visuelles ou sonores. Et, comme en musique, ce qui prime ici, c’est l’ouverture, l’attaque. Dès le pré-générique de Milan calibre 9 (1972), premier volet de «la trilogie du Milieu» qui constitue le cœur névralgique d’une œuvre absolument éblouissante bien qu’encore méconnue du grand public, le modèle rhétorique est donc musical. Un prélude au montage sidérant que souligne une partition entêtante et de sublimes mouvements de caméra. Sur la piazza del Duomo où se dresse en arrière plan l’imposante cathédrale de Milan sous un ciel de bruine, un paquet dont on ignore (mais devine) le contenu précieux circule de mains en mains, engageant les porteurs anonymes se relayant, dans un ballet hypnotique qui redessine l’espace, en (re) trace la géométrie physique et mentale, de la place envahie de pigeons aux couloirs du métro jusqu’aux ruelles adjacentes où des malfrats, ouvrant le colis, découvrent qu’ils ont été floués. La séquence muette, rythmée par les lampées de cordes lancinantes signées Luis Bacalov, associées au rock échevelé du groupe Osanna, dégénère en représailles sanglantes pour s’achever sur une effarante déflagration qui porte la signature implacable de Di Leo : une écriture graphique parfaitement maîtrisée, ponctuée de pics de viol
Ciné
Fernando Di Leo, le soprano
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Milan calibre 9 (1972) premier volet de la trilogie de Fernando Di Leo. (Elephant Films)
par Nathalie Dray
publié le 17 avril 2021 à 6h27