C’est un film indien, mais qui déjoue nos attentes. Quelque chose de Wes Anderson et Aki Kaurismäki dans son burlesque de vignettes quasi mutiques, et ce sens de l’ellipse élégamment manié par le cinéaste basé à Londres Karan Kandhari sur fond de rock anglais énervé. On comprend très vite que cette intrigue de mariage arrangé et malheureux (ou malheureusement arrangé), entre une jeune femme à forte tête et son falot de mari, ne nous entraîne pas sur le terrain du drame social qui appuie fort sur le pathos et le didactisme. Usée, cette formule s’est fait détrôner en festivals ces dernières années. La mode est au détournement pop pour s’emparer des maux de société, avec un goût prononcé pour le fantastique. Même campées dans l’expérience réaliste d’un pays, les charges contre le patriarcat s’hallucinent dans des intrigues de métamorphose (on repense à Tiger Stripes ou à Medusa), reprenant à leur compte le vieux stigmate de «la sorcière» comme un motif girl power.
Ici, notre héroïne étouffe dans sa prison domestique, mauvaise ménagère, jurant comme un charretier, mortellement frustrée au lit. Elle trouvera une forme d’émancipation dans le mystérieux chambardement qui l’affecte du jour au lendemain, entraînant chez elle une soif irrépressible de sang. En déjouant certains attendus, Sister Midnight finit donc par rencontrer une autre forme de standardisation de l’auteurisme international. Ce qui entame, mais n’abolit pas à 100 %, le charme de l’entreprise grâce aux talents comiques de son actrice principale, Radhika Apte.