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Libération
Un certain regard

Festival de Cannes 2024 : «Viêt et Nam», charbon pour le moral

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Dans un deuxième long plein de gravité et d’originalité sur deux amants travaillant dans une mine, Minh Quy Truong explore les traumas hérités de la guerre du Vietnam.
Viêt et Nam sont mineurs de charbon et amants. (Nour Films)
publié le 22 mai 2024 à 19h36

«La chair est devenue une terre noire», dit une femme médium, au moment de déterrer le corps d’un soldat disparu depuis des décennies. «La plage est le cimetière des coquillages», dit Viêt à Nam, son amant. Viêt et Nam, deuxième long du cinéaste vietnamien Minh Quy Truong, est un film noir et cendreux, longue et lourde excavation poétique – le fond d’une mine aux airs de ciel étoilé – des traumas d’une terre commotionnée par la guerre civile et dont le sujet de l’effet à long terme est si rarement abordé en Occident qu’on s’étonnerait presque de la voir si vigoureusement animer un film. Justement, Viêt et Nam creuse. Ses deux personnages éponymes travaillent – et, à l’occasion, baisent – dans une mine de charbon, quand ils ne parcourent pas les forêts alentour, accompagnés de la mère de Nam et d’un voisin vétéran, à la recherche du père englouti dans le conflit, que Nam n’a jamais connu. Tout ça dans l’attente de l’exil – Nam, sans passeport, a pris ses dispositions auprès d’un passeur pour se barrer un jour, bientôt – dont on devine peu à peu l’importance.

Car Viêt et Nam se déploie dans un certain désordre, chronologique notamment. Les scènes nous tournent autour plutôt qu’elles ne se succèdent, les points reliés au fur et à mesure qu’elles se superposent, les images mouchetées de noir ou percées de lumières selon que l’action se déroule sous la terre ou à la surface. L’idée, centrale, étant de faire toujours se tenir l’image à la lisière