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Libération
Bilan

Festival de Cannes 2025 : le palmarès rêvé de «Libé»

Avant la cérémonie de clôture du 78e Festival samedi 24 mai et le verdict du jury présidé par Juliette Binoche, la team culture dresse son palmarès idéal, parce qu’on a bien le droit de rêver.
«Sirat» d'Oliver Laxe. (Pyramide Films)
par Libé Cannes crew
publié le 23 mai 2025 à 19h26

La distribution de récompenses en bonne et due forme est prévue samedi 24 mai à partir 18h40. Le jeu est ouvert et on ne se risquera pas ici au moindre pronostic. Après, si la présidente du jury veut qu’on l’oriente dans ces choix et demande à s’appuyer sur notre expertise, on est dispo et d’ailleurs, n’écoutant que notre désir de nous rendre utiles en toutes circonstances, voici une esquisse pour un palmarès idéal, qui permettrait à cette édition 2025 de marquer l’histoire du cinéma mondial avec un certain panache. Après, Juliette, vous faites comme vous voulez…

Palme d’or

«Sirat» d’Oliver Laxe

Le cinéaste espagnol plonge un père et son jeune fils au cœur d’une free party au beau milieu des sables, dans un périple tripant à la recherche de sa fille disparue. Un film placé en début de Festival et dont on ne s’est toujours pas remis.

Grand Prix

«L’Agent secret» de Kleber Mendonça Filho

Virtuose, le thriller du cinéaste brésilien sur un universitaire poursuivi par la dictature brésilienne dans les années 1970 est très politique, brutal et joyeux. Le film lie et imbrique les éléments des plus sordides aux plus enchanteurs, le cinéma et la mort, l’amitié et la déshumanisation, une déflagration de violence accompagnée par un air de proto-samba.

Prix de la mise en scène

«Résurrection» de Bi Gan

Monstre sous opium, femme-vampire… Le cinéaste chinois raconte l’errance d’un homme à travers un siècle de songes, dans une société où plus personne ne sait rêver. Une fiction construite comme une série de feedbacks mentaux où un signe se perpétue en boucle comme une rémanence hypnotique, autant de souvenirs de la maison des morts… Renversant.

Prix du jury

«La Petite Dernière» d’Hafsia Herzi

Adaptation du roman éponyme de Fatima Daas, le lumineux film de la comédienne et réalisatrice porté par la révélation Nadia Melliti, bouleverse en suivant l’émancipation d’une jeune musulmane lesbienne. Un long métrage composé de scènes dessinées au petit pinceau, avec l’exactitude du cinéma qui romance mais ne triche pas, où s’inscrit toujours la profondeur du vécu.

Prix d’interprétation féminine

Léa Drucker, «Dossier 137» de Dominik Moll

A travers une enquête de l’IGPN sur un cas de violences policières pendant les gilets jaunes, l’auteur de La nuit du 12 noue un polar social ample et intelligent dans lequel Léa Drucker donne à la moindre crispation de son menton, au moindre tressaillement de son regard une intensité chargée de pallier l’absence d’affect de sa parole procédurière.

Ex-æquo avec Parinaz Izadyar, «Woman and Child» de Saeed Roustayi

Décrié pour avoir tourné dans le respect des règles de la république islamique iranienne, le cinéaste, passé par la prison en 2023 mène en réalité un subtil et violent réquisitoire contre le régime. Magistrale, Parinaz Izadyar interprète Mahnaz, héroïne aux antipodes de la mère courage. Sa rage brutale, comme un sursaut de vie, achève de corroder jusqu’aux plus circonspectes réserves qu’on peut ressentir face à cet objet virtuose…

Prix d’interprétation masculine

Stellan Skarsgard, «Valeur sentimentale» de Joachim Trier

Le film virtuose du réalisateur norvégien sur le retour d’un cinéaste absent dans la vie de ses filles adultes, est son plus formidable long métrage à ce jour. Stellan Skarsgard est magistral dans le rôle d’un vieux cinéaste misanthrope dont la carrière sur le déclin pourrait bien être relancée avec un nouveau projet autobiographique, refusé par sa propre fille actrice mais accepté par une star hollywoodienne.

Prix du scénario

«Nouvelle Vague» de Richard Linklater

Chronique recréée de la fabrication d’A bout de souffle, le film de l’Américain, tourné à Paris et en français, saisit au présent les conditions qui ont rendu possible le chef-d’œuvre de Jean-Luc Godard. Une bande de jeunes se balade sur la crête entre l’incertitude et la prétention, entre laisser filer le temps et saisir le bon moment.

Palme du même pas peur

«Un simple accident» de Jafar Panahi

Dans son nouveau film tourné à sa sortie de prison, l’Iranien, figure éminente de la dissidence, raconte la relation entre une victime et son bourreau, lors d’une virée en van. Un règlement de comptes sans détour avec le régime.

Prix du film qui aurait dû être en compète

«Yes» de Nadav Lapid

Dans un long métrage épuisant et courageux, le cinéaste israélien produit en temps réel la satire féroce d’un pays ivre de vengeance. Le film, présenté à la Quinzaine des cinéastes, se met régulièrement à vriller, l’image à convulser littéralement, la caméra affolée, secouée par des spasmes de rage et d’indignation.

Caméra d’or

«Nino» de Pauline Loquès

Dans ce touchant premier long métrage, un jeune homme apprend être atteint d’un cancer de la gorge mais ne parvient pas à en parler à ses proches. «Comment dire, comment jouir dans sa situation, où être hors de chez soi vaut pour être hors de soi, loin de son corps qui le rattrape ?»

Un Certain Regard

«Le rire et le Couteau» de Pedro Pinho

Le film-fleuve du cinéaste portugais sur un ingénieur portugais venu faire une étude environnementale en Guinée-Bissau, glisse dans les méandres des désirs et des incertitudes. Les trois heures trente commencent, elles passeront en un éclair – une longue foudre suspendue, électricité lente dans le ciel de Bissau.

Queer Palm

«Pillion» d’Harry Lighton

Le premier long métrage du réalisateur anglais suit la relation de domination entre un jeune homme timide et le chef d’un gang de motards. Manifestement inexpérimenté mais immédiatement fasciné par la personnalité et la carrure de Ray, Colin se laisse délicieusement entraîner dans un programme d’asservissement volontaire où il doit coucher sur le tapis au pied du lit de son maître

L’Œil d’or du meilleur documentaire

«Put Your Soul on Your Hand and Walk» de Sepideh Farsi

La documentariste iranienne installée en France raconte l’horreur de la guerre à Gaza à travers le regard de la photographe Fatma Hassouna, tuée par l’armée israélienne avant la diffusion du film. Le cinéma ne peut rien faire d’autre que de tenter, malgré les interférences, contre le silence de mort exigé par les bourreaux, d’entrer en communication avec les vivantes et les vivants, de se reconnecter à eux.