Critiques, portraits, interviews… Suivez jour après jour, toute l’actu du Festival de Cannes avec les envoyés spéciaux de «Libération».
«Il doit y avoir de la cocaïne planquée dans le chou-fleur sinon le prix, je comprends pas…» C’est un running gag cannois, microclimat économique qui connaît à date fixe un taux d’inflation comparable à celui de la Silicon Valley du vivant de Steve Jobs et, soyons clairs, 2024 ne nous déçoit pas. Le fromage blanc-granola au petit-déj à 14 euros, la Burrata des Pouilles («à partager en entrée») à 70 euros ou le farci à 4 euros pièce («ça prend du temps à préparer…»), le service compta du journal n’est pas complètement prêt. Il faut se nourrir car il fait actuellement 8°C en centre-ville et c’est le festival du film en polaire de Landerneau circa mi-novembre. Les deux premiers films de la compétition n’ont pas réchauffé l’atmosphère, demi-déception pour le français Diamant brut mais surtout long cri de détresse devant la Jeune Femme à l’aiguille, selon nos envoyés spéciaux revenus du Palais l’écume aux lèvres.
Rencontre
George Miller, papa de «Furiosa». Rencontre cannoise avec le cinéaste australien, qui retourne à l’univers de Mad Max avec un film aux airs de conte mythologique dans lequel il étend l’histoire de Furiosa, esprit vengeur dans un monde où la vengeance n’a aucun sens. «Avec Furiosa, j’ai aimé plonger plus profondément dans le monde que nous avons créé»
On aime
«Les Fantômes» de Jonathan Millet, bourreau des légendes. Présenté en ouverture de la Semaine de la critique, le premier long du cinéaste français est un thriller réussi, inspiré des histoires vraies de Syriens en exil devenus détectives amateurs pour pister des anciens tortionnaires du régime de Bachar al-Assad. Notre critique
On aime toujours
«Ma Vie Ma Gueule» de Sophie Fillières, les éclats unis. Portée avec panache par Agnès Jaoui, le dernier et lumineux film de Sophie Fillières, décédée en 2023, suit une écrivaine confrontée aux vicissitudes de la cinquantaine. Notre critique
Le portrait du jour
Clara-Maria Laredo, Corse majeure. A 20 ans, la jeune corse tient un premier rôle surprenant dans A son image de Thierry de Peretti. Militante dès le plus jeune âge, l’étudiante en sciences politiques entretient un lien intime avec l’île. C’est parti pour les portraits cannois
Début de compète
«Diamant brut», l’île de l’ostentation. Le premier long métrage d’Agathe Riedinger, également premier film de la compétition, met en scène Malou Khebizi, pour son premier rôle, en apprentie bimbo du sud. Notre critique
Chassé Croisette
Interro surprise de Valérie Donzelli. Ça va bien se passer ? Le meilleur moyen d’éviter quelqu’un à Cannes ? Si vous n’aviez pas fait ce métier, vous feriez quoi ? Toutes les réponses, et plus encore, de l’actrice et réalisatrice, à l’affiche de «Ma Vie Ma Gueule» de Sophie Fillières et présidente du Jury du prix de la citoyenneté 2024
En direct
La liste (suite et fin ?) Le feuilleton de la rumeur sur la dizaine de personnalités masculines du cinéma qu’une hypothétique enquête épinglerait dans leurs mauvais comportements avec les femmes et dont le service CheckNews de Libération a établi la généalogie incendiaire, était directement commenté par l’un des comédiens cités dans cette désormais fameuse «liste». Raphaël Quenard – acteur notamment dans le Deuxième Acte de Quentin Dupieux, ouverture du Festival – qui dans l’émission Clique de Mouloud Achour (sur Canal +) fait un long et très tortueux commentaire sur l’effet de la rumeur (d’un «niveau de perniciosité… cataclysmique») qu’il voit comme la résultante d’une jalousie face au succès, des gens qui préfèrent associer la réussite «à des pratiques addictives, à la cocaïne, à des pratiques obscures, ils boivent du sang d’enfants, ils brûlent des cercueils de nourrissons, je ne sais quelles excentricités impensables». On ne sait trop si c’est la meilleure façon de calmer les esprits. «Liste noire» d’acteurs accusés de violences sexuelles : récit d’un emballement
Artus taille un costard aux marques. Alors que son premier film, Un p’tit truc en plus, vient de franchir la barre des 2 millions d’entrées, le comédien humoriste et réalisateur Artus et son casting doivent faire une montée des marches la semaine prochaine, et dûment sapés chic et dans les règles aux bons soins du groupe Kering, puisque le réalisateur s’était plaint de ne trouver aucun dressing de luxe prêt à sortir robes et smoking pour lui et sa troupe, dont des acteurs porteurs d’un handicap. La maison Dior assure, pour sa part, qu’elle a la ferme intention d’habiller Artus, mais son entourage assure à Libération que pas du tout. Le grand public a le droit de savoir par ailleurs qu’un nombre pas si négligeable de professionnels et de jeunes cinéphiles montent régulièrement ces foutues marches dans des vêtements achetés dans des friperies et que ça passe crème. Tout le monde n’est pas obligé d’avoir cinquante fois le smic sur le dos pour passer la sécu et le protocole ! La polémique autour d’Artus n’en finit pas
La master class de Meryl Streep. Lors d’un rendez-vous mercredi 15 mai dans le Palais des festivals, la star, récipiendaire d’une palme d’honneur la veille, a régalé avec talent et aisance un public conquis par ses anecdotes cinématographiques et blagounettes de circonstance. La dame sait faire
Et demain ?
Megalopolis partout. «C’était comme regarder un train se fracasser jour après jour, semaine après semaine, et savoir que tout le monde avait fait de son mieux pour éviter l’accident», dixit un technicien anonyme témoignant dans un article particulièrement malveillant du Guardian sur Megalopolis de Coppola qui sera projeté demain soir en compétition officielle. Dépeint en cinéaste octogénaire à la dérive et aux décisions intempestives, s’enfermant des heures à l’écart d’une équipe désœuvrée, pour réfléchir en fumant du haschisch, virant l’équipe des effets spéciaux ou ceinturant pendant six heures Adam Driver sur une chaise pour un effet qu’on verra peut-être en Imax. «Cela semble fou à dire, mais il y a eu des moments où nous étions tous là à nous demander si ce type avait déjà fait un film avant…» Heu, alors… comment dire ? Oui ! En tout état de cause, depuis le Eyes Wide Shut de Kubrick ou la Ligne rouge de Terrence Malick, on ne se souvient pas d’un tel niveau d’attente et de spéculations à fonds perdu sur un film.
Enfin presque. Mais comme Thierry Frémaux aime charger la barque, il y a aussi le nouveau film de la britannique Andrea Arnold (American Honey, les Hauts de Hurlevent…) qui s’intitule Bird avec Barry Keoghan, Franz Rogowski et Nykiya Adams. Très attendu aussi, le film sur la guerre de Sécession de Roberto Minervini, les Damnés.