Critiques, portraits, interviews… Suivez jour après jour, toute l’actu du Festival de Cannes avec les envoyés spéciaux de «Libération».
Après Séoul, Tokyo et Londres, Tom Cruise était aujourd’hui de montée des marches à Cannes pour l’avant-première française du huitième et dernier épisode de Mission : Impossible, titré à dessein The Final Reckoning. La star de 62 ans était déjà venue ici pour Top Gun : Maverick, Thierry Frémaux lui concoctant en 2022 un accueil royal avec palme d’honneur mais surtout passage au-dessus du Palais des festivals de la patrouille de France plein gaz. Cruise a dû considérer que ça lui avait porté chance puisque cette suite tardive de son hit de jeunesse a pulvérisé le box-office avec plus d’1,4 milliard de dollars de recettes. Le pot de départ de l’agent Ethan Hunt après trente ans de service se chiffre à 400 millions de dollars et il s’agit de le rentabiliser.
Bien décidé à marcher dans le sens de l’époque en dépit de ses 62 piges (magistralement gérée au niveau capillaire. On est sur du shampooing de très haute qualité avec de l’ingrédient rare et autres agents texturants), et un léger fléchissement de ferveur et de box-office pour l’épisode précédent, Cruise a notamment accordé une interview d’au moins 20 minutes (un record) à l’influenceur TikTok, plateforme partenaire du festival, Reece Feldman (alias @guywithamoviecamera) avant d’aller taper le bout de gras avec une trentaine de créateurs de contenus puis de troller en invité surprise, salle Debussy, la masterclass de son réalisateur Christopher Mac Quarrie qui avait peut-être escompté un moment d’attention du public pour lui tout seul. Raté.
Warning : ce journal de bord, deuxième jour, s’autodétruira dans 5 minutes, le temps de lire ce petit rappel des faits sur le bonhomme.
Les films du jour
On aime beaucoup
Put Your Soul on Your Hand and Walk de Sepideh Farsi. La réalisatrice iranienne documente l’horreur de la guerre à Gaza à travers le regard de la photographe Fatma Hassouna, tuée par l’armée israélienne avant la diffusion du film. La projection du film à l’Acid aura lieu ce jeudi 15 mai. Fatma Hassouna, les yeux de Gaza par Sepideh Farsi
Enzo de Robin Campillo. Tout en finesse et en ambiguïtés, le long métrage posthume de Laurent Cantet, réalisé par son ami Robin Campillo, suit l’émancipation d’un adolescent de bonne famille qui se rêve ouvrier : «Enzo», transfuge de grâce
On aime bien
Rietland de Sven Bresser. Dans le thriller de ce réalisateur néerlandais, un protagoniste inquiet et inquiétant explore les marécages après le meurtre d’une jeune fille. «Bruissements, vibrations, avions, machine à laver, larsens», ce n’est pas la description de notre état psychique dès le deuxième jour mais la bande-son chargée du film. «Rietland», tout n’est pas roseau
Sauve qui peut !
Sound of Falling de Mascha Schilinski. Du début du XXe siècle à nos jours, la réalisatrice allemande imagine les existences lamentables de quatre filles vivant dans une ferme. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas un plaidoyer pour le retour à la vie rurale ou à ne sait quelle rêverie bucolique. Tout le monde a vraiment l’air d’en baver. «Sound of Falling», le rude des foins
En direct
De Niro et JR dans le même bateau. Robert de Niro était censé donner une pure masterclass au lendemain de l’hommage qui lui a été rendu hier lors de la cérémonie d’ouverture, recevant une palme d’honneur des mains de Leonardo di Caprio. Finalement, pas d’interviewer mais le street artiste à chapeau, JR, qui a devisé avec la star autour de leur projet commun aux contours vagues. Un duo branché sur le tout-à-l’ego devant un public en partie exaspéré. Masterclass cannoise de Robert De Niro avec JR : on a les Raging boules
Polémique iranienne. Début mai, après l’ajout à la compétition officielle de Woman and Child de Saeed Roustayi, des cinéastes iraniens indépendants ont signé une lettre ouverte appelant le Festival de Cannes à reconsidérer cette sélection, le cinéaste s’étant selon eux compromis avec le régime en acceptant les règles de la censure, notamment en faisant porter le hijab à ses actrices. Impression de trahison, de compromission, baston entre «bons» et «mauvais» dissidents… Difficile d’y voir très clair dans une polémique qui révèle l’écheveau des enjeux de légitimité et de censure dans un pays où le pouvoir est très disséminé. Les cinéastes iraniens se déchirent autour du film de Saeed Roustayi en compétition.
Le portrait
Anamaria Vartolomei, révélée dans l‘Evénement d’Audrey Diwan, incontournable et accessible, ingénue et impénétrable, capable, enjouée et très à l’aise, mi-Romy Schneider, mi-Sharon Stone, à la fois Sylvidre et Fifi Brindacier. Anamaria Vartolomei, à pile et face
Projo privée
Lucky Love, chanteur, performer, mannequin, ex-Venus de Mille hommes, a fait sensation à l’ouverture des Jeux Paralympiques. Il s’est penché sur notre questionnaire cinéphile : «Dans «Titanic», à partir de la scène d’amour je pleure sans m’arrêter»
Point critique, le quiz
Le jeu est simple : on vous donne un extrait d’une critique ciné parue dans Libération à l’époque, à vous de retrouver de quel film il s’agit !
«Ce film ressemble fort à un art poétique de Lynch où son rapport au cinéma, sa manière de s’inscrire en marge d’Hollywood, d’envisager la vision d’un film comme une expérience du mystère qui n’a pas pu être élucidé, sa conception du glamour et de son envers de pur chaos, son radicalisme esthétique s’exprime dans un langage de toute beauté.»
Et demain ?
Les survivants de la soirée de cruising post Mission : Impossible - The Final Reckoning (Tom Cruise a promis au Libé Cannes crew de partager une canette de Kro, a minima) ne manqueront pas les projections du Sirāt de l’Espagnol Oliver Laxe (compétition officielle), film de rave et d’errance dans le désert marocain, ni celle de l’Engloutie, premier long plein de promesses de la touche-à-tout (théâtre, vidéo) Louise Hémon déroulé dans les Hautes-Alpes en 1899 (Quinzaine des cinéastes).
Plus tard, les espoirs sont nourris de s’ébahir devant le Dossier 137 de Dominik Moll (compète), sur les violences policières lors des manifestations des Gilets jaunes, et le Mystérieux regard du flamant rose (ce titre !) du Chilien Diego Céspedes, déroulé au début des années 1980 dans le désert chilien dans une famille queer «flamboyante et aimante».