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Libération
Journal de bord

Festival de Cannes, jour 5 : Jacques Audiard divague et Nicolas Cage surfe

Aujourd’hui, des testaments pour Paul Schrader et Jean-Luc Godard, des rushes de souvenirs pour Jia Zhangke, une planche de salut pour Nicolas Cage et une virée mexicaine pas si enchantée pour Jacques Audiard.
Selena Gomez, Jacques Audiard et Zoe Saldana, sur le tapis rouge, samedi 18 mai. (Loic Venance/AFP)
publié le 18 mai 2024 à 20h43

Critiques, portraits, interviews… Suivez jour après jour, toute l’actu du Festival de Cannes avec les envoyés spéciaux de «Libération».

C’est le week-end pour tout le monde sauf pour les tenanciers fous furieux de ce journal de bord qui, ivres de sommeil et de cinéma, sont là, debout, au taquet, pour vous informer sans relâche de tout mais alors vraiment tout ce qui se passe sur la Croisette. Un album photo partagé ce matin par un insider dans notre groupe WhatsApp nous rappelle qu’on ne passe vraiment pas le même genre de soirées mondaines – sur ses clichés, des stars américaines aux dents shiny et robes de gala, quant à nous, voilà ce qu’on a aperçu pour l’instant dans les nuits de Cannes : Ramzy Bedia en équilibre précaire, Vincent Lindon mangeant des nouilles, la casquette de Romain Gavras, Cut Killer avec des auréoles sous les bras, ce mec qui jouait un policier rasta dans Taxi 3 et que les gens apostrophent en criant «Taxi ! Taxi !» pour faire des selfies avec lui parce que personne ne se souvient de son nom (Edouard Montoute, pour info), et, cerise sur le gâteau la nuit dernière au Vertigo, Franck Riester, ancien ministre de la Culture et désormais ministre délégué chargé du Commerce extérieur, dont la présence a subitement fait souffler un vent plus glacial que l’haleine de Lord Voldemort à travers le dancefloor. Promis, on va essayer de mieux faire d’ici samedi prochain.

On aime

«Caught by the Tides» de Jia Zhangke. Après six ans d’absence de long métrage, le Chinois revient avec un film fabriqué à partir de morceaux et de chutes de ses anciens films. Un film bilan et formidable, pourtant plus simple et plus radical, pour raconter une histoire d’amour ratée. En compétition Notre critique : Rushes en fusion

On aime un peu

«Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde» d’Emanuel Parvu. Dans le cadre somptueux du delta du Danube, le cinéaste roumain raconte, de manière parfois trop appuyée, le rejet par tout un village d’un jeune garçon surpris en train d’en embrasser un autre. En compétition. Notre critique : En Roumanie profonde, de l’homophobie au kilo

On n’aime pas

«Emilia Perez» de Jacques Audiard. A coups de tableaux hypervolontaristes, le réalisateur français en fait trop dans cette comédie musicale improbable avec Selena Gomez, où un narcotrafiquant mexicain repenti change de sexe. En compétition. Notre critique : Poussive la chansonnette

What the fuck ?

«The Surfer» de Lorcan Finnegan. Curiosité des séances du soir, le film de l’Irlandais Lorcan Finnegan sur les déboires d’un Australien de retour sur son spot désormais tenu par des mascus violents, s’adapte parfaitement aux gesticulations d’un Cage martyrisé. Séance de minuit. Notre critique : Sous les tarés, la plage... et Nicolas Cage

Mashup

Paul Schrader et Jean-Luc Godard, testamenteurs. Entre la compétition officielle et la section Cannes Classics, le film lugubre du vétéran du Nouvel Hollywood et le court posthume du cinéaste suisse mort en 2022, en forme de dernières volontés, se répondent. C’est le Festival de Cannes ou une office notariale ?

En direct

Sous les paillettes les réunions syndicales. Franchement bravo : «Nous, on n’a jamais réussi à hisser une banderole en haut du Palais des festivals, et on a essayé plein de fois.» Et c’est la CGT qui parle, Denis Gravouil en l’occurrence, aujourd’hui membre du bureau confédéral du syndicat au côté de Sophie Binet, secrétaire générale, qui elle aussi abonde en hochant la tête. Oui, répètent-ils, «bravo» à vous, collectif «Sous les écrans les dèches», qui avez réussi à établir un rapport de force avec le gouvernement, en tout cas le temps que dure encore le Festival. En déplacement à Cannes, entre deux rendez-vous avec le syndicat des bergers de France ou celui des personnels hôteliers du Carlton, et alors que tonne sur la plage les beats tonitruants d’un remix techno de Dance Machine Volume 3, la CGT rencontrait ce vendredi les représentants des travailleurs de l’ombre des festivals de cinéma, mobilisés depuis un an pour réintégrer – ils en ont été exclus en 2003 – le régime de l’assurance chômage des intermittents du spectacle. Notre reportage : «On est le petit domino qui pourrait faire s’écrouler la machine»

Trek vers la liberté. Le quotidien britannique The Guardian a eu l’exclusivité d’une première interview du réalisateur iranien Mohammad Rasoulof depuis sa fuite hors d’Iran afin d’échapper aux autorités judiciaire de la dictature l’accusant d’avoir tourné son dernier film, The Seed of the Sacred Fig sans autorisation, qui plus est avec des actrices ne portant pas le hijab. La police aurait aussi découvert des bouteilles de vins dans son appartement. Une peine de huit ans d’emprisonnement, une lourde amende, la confiscation de ses biens et la flagellation, la sentence ne s’est pas fait attendre quand le régime a appris que le film serait montré en compétition au Festival de Cannes. Rasoulof a alors coupé tous ses moyens de communication électroniques. Il a raconté succinctement son périple clandestin : «C’était une marche de plusieurs heures, épuisante et extrêmement dangereuse, que j’ai dû faire avec un guide» jusqu’à parvenir à un refuge. «J’ai dû y rester assez longtemps avant d’être transféré dans une ville et, de là, dans un endroit où je pouvais entrer en contact avec les autorités allemandes.» Il est toujours sans passeport, mais les autorités françaises et allemandes s’activent pour lui permettre d’être présent à la projection de gala de son film depuis le lieu tenu secret en Allemagne où il réside pour l’heure, film paraît-il explosif et dont le personnage principal n’est autre qu’un juge de tribunal islamique en plein tumulte des manifestations et protestations diverses dans le pays.


Et demain ?

Alerte Ben Whishaw en perruque ! Limonov, la ballade du Russe Kirill Serebrennikov, d’après le roman d’Emmanuel Carrère sur la sulfureuse figure de l’underground devenue infréquentable militant nationaliste, est très, très attendu en compète et à la villa Libé.

Egalement dans les starting-blocks, The Substance, que d’aucuns présentent déjà comme «le Titane de Cannes 2024», second long métrage de la Française installée à Hollywood Coralie Fargeat, qui avait signé le «rape and revenge» et bien nommé Revenge en 2018. Avec Demi Moore et Dennis Quaid.

Laetitia Dosch présentera son premier long métrage, le Procès du chien, une comédie judiciaire mettant en scène un clebs sur le banc des accusés (Un certain regard), et Leos Carax, Prix du Scénario avec Annette en 2021, sera de retour avec un moyen métrage de quarante minutes, C’est pas moi (Cannes Première).