On avait dit pas de politique sur le tapis rouge… Vendredi 16 mai, une bestiole écologiste radicale s’est pourtant invitée à la montée des marches du Eddington d’Ari Aster. Pour lutter contre la réintroduction des néonicotinoïdes, approuvée ce jour-là en commission des affaires économiques à l’Assemblée, une abeille a vibrionné sur le cast du film, Emma Stone en particulier, forçant l’actrice à utiliser Pedro Pascal comme rempart – on l’envie un peu. La militante a finalement été éjectée hors du tapis rouge comme une malpropre. Contactée, la pollinisatrice en robe rayée noir et jaune a répondu «bzzz-ggrrrr» mais a indiqué à Libé qu’on n’avait pas fini d’entendre parler d’elle, la piqûre en pleine visage étant l’étape suivante et alors que l’examen du texte doit débuter dans l’hémicycle lundi 26 mai, deux jours après la cérémonie de clôture.
Les films du jour
On aime beaucoup
Eddington d’Ari Aster. Profondément noir, le quatrième long métrage d’Ari Aster, avec Joaquin Phoenix et Pedro Pascal en course électorale dans leur bourgade, raconte avec hargne l’Amérique de 2020 rongée par la violence. «Eddington», shérif fais-nous peur
Arco d’Ugo Bienvenu. Le premier long métrage d’Ugo Bienvenu, grande figure de la BD française, campe un enfant tombé du ciel dans une banlieue pavillonnaire sous cloche. «Arco», on n’est pas déchu
Nouvelle Vague de Richard Linklater. Chronique recréée du tournage d’«A bout de souffle», le film de l’Américain Richard Linklater saisit au présent les conditions qui ont rendu possible le chef-d’œuvre de Godard. «Nouvelle Vague», tournage de passe-passe
On aime bof
Renoir de Chie Hayakawa. Le film de la cinéaste japonaise sur l’isolement rêveur d’une enfant de 11 ans confrontée à la maladie de son père ne dévie pas du chemin qu’il s’est soigneusement tracé. «Renoir» regarde la mort enfance
En direct
Mention lesbien. Lors de la projection de la Petite dernière d’Hafsia Herzi, adapté du livre de Fatima Daas, l’actrice Mouna Soualem a fait crier au public du grand théâtre Lumière «un deux trois, vive les lesbiennes». Un peu plus tard, c’était au tour de Kristen Stewart de monter les marches pour son premier film, The Chronology of Water, présenté à Un certain regard. Le tout en mulet peroxydé et costume-short blanc ambiance golf chic. Grosse journée.
Rachida Dati pèse en ville. On ne l’avait vraiment pas vu venir en dégotant un billet au débotté le soir même. Mais la ministre de la Culture, Rachida Dati, de passage sur la Croisette, et entrée dans le top Libé des voisines de siège les plus improbables, aura donc choisi de commencer son week-end cannois avec le film… Baise-en-ville de Martin Jauvat vendredi. Dans cette comédie française, cofinancée notamment par France Télé et Netflix, un jeune empoté se cherche des coups d’un soir pour passer la nuit à proximité de son job d’intérim, qui l’envoie aux quatre coins de la banlieue francilienne, mal desservie par les transports en commun. On n’aura pas distingué dans le noir si la probable candidate à la mairie de Paris, accompagnée du président du CNC, Gaëtan Bruel, se payait une bonne tranche devant cette évocation farcesque de la fracture territoriale Paris-périphéries.
Sa venue aura en tout cas offert au public l’occasion unique d’ambiancer la séance, à gros renforts d’exclamations et applaudissements lors d’une scène taclant l’usage du 49.3 par le gouvernement et le culte d’idolâtrie macronien (à la fin, l’effigie en carton du Président est affublée d’un gilet jaune et chahuté à coups de poing). Eclectique dans ses loisirs, et rejointe par sa collègue Aurore Bergé, la ministre s’est aussi affichée en compagnie de Bono à l’after party organisée par Apple TV + d’un documentaire sur lui, a tapé la bise au couple Clooney, et semblé cul et chemise avec Sean Penn. Elle décorera dimanche la présidente du Festival, Iris Knobloch, des insignes de commandeur des Arts et des Lettres. Y a pas que la baise en ville dans la vie.
Accident sur la Croisette. Un palmier, apparemment rongé de l’intérieur par les termites, a fini par se casser et tomber sur la tête d’un festivalier, en l’occurrence un producteur japonais, immédiatement pris en charge par les pompiers qui évoquaient un état grave.
En images
Faire poser des stars en quatre minutes chrono, échapper à la police en contre-sens à vélo, coller des paillettes sur un chanteur rigolo : tel a été le quotidien de notre photographe Marie Rouge lors de sa première semaine au Festival. Cannes : une ville en état de strass
Projo privée
On est pas bien là, sur la plage, à écouter un prix Nobel de littérature parler de monstres aquatiques à sept têtes avec un délicieux accent british ? Ou est-ce une hallucination due à la fatigue ? A Cannes pour l’adaptation de son livre Lumière pâle sur les collines par Kei Ishikawa, présenté à Un certain regard, Kazuo Ishiguro a répondu au questionnaire cinéphile de Libé.
Quiz
Le jeu est simple : on vous donne un extrait d’une critique ciné parue dans Libération à l’époque, à vous de retrouver de quel film il s’agit !
«Le scénario : il s’agit d’organiser fissa la conjuration des forces du bien pour empêcher que la très grosse et vilaine entité du mal vienne mettre à bas l’humanité, comme elle a pris la désobligeante habitude de le faire tous les cinq mille ans. Nous voilà donc au début d’une longue séance de PlayStation.»
- Stargate de Roland Emmerich
- Le Cinquième Elément de Luc Besson
- Mortal Kombat de Paul W. S. Anderson
- Mad Max : Fury Road de George Miller
Et demain ?
Comme il se doit, pas de repos le dimanche pour le festivalier trimballant son accréditation autour du cou vingt-quatre heures sur vingt-quatre (manquant de s’étrangler avec pendant son sommeil). En compétition sera projeté notamment The Phoenician Scheme de Wes Anderson avec Benicio del Toro – et Riz Ahmed, Tom Hanks, Scarlett Johansson, Bill Murray, soit 20% du carnet d’adresse du réalisateur américain dandy. Isabelle Huppert montera les marches avec Laurent Lafitte pour la présentation de la Femme la plus riche du monde de Thierry Klifa, une comédie s’inspirant très directement de l’affaire Liliane Bettencourt et François-Marie Banier.