«Un homme déguisé en oiseau choque le Festival de Cannes lors de la montée des marches de Jennifer Lawrence et Robert Pattinson.» C’est le titre d’un article publié samedi 17 mai, un peu avant minuit par un journaliste de Variety en proie à un besoin irrépressible de croire au scoop ou à une polémique dont la durée de vie serait supérieure à cinq grosses minutes. Cette performance hors de toute règle protocolaire, quand bien même les hommes sont obligés d’arborer le réglementaire déguisement de pingouin, est en fait la dernière trouvaille de Raphaël Quenard pour faire parler de lui, sport dont il est passé champion toute catégorie après des années de galère à mijoter dans un anonymat où il entend bien ne plus jamais retourner (il a joué dans quinze films en deux ans et vient de publier un roman, Clamser à Tataouine). Il présente ici I Love Peru en sélection Cannes Classics (pourquoi là, personne ne le sait, vu qu’il s’agit normalement de films patrimoniaux) où ce «condor» péruvien tient, paraît-il, un rôle. On s’attend à tout moment à ce qu’il annonce le lancement d’une ligne de vêtement, d’une chaîne de restaurants, un triple album de chansons folkloriques, qu’il part s’installer à Dubaï au sommet d’une tour vide et prône la prise massive de drogues hallucinogènes pour guérir du stress tout en vantant les vertus du fromage à pâte molle. Bref, nawak-man en freestyle.
Les films du jour
On adore
L’Agent secret de Kleber Mendonça Filho. Virtuose, le thriller de Kleber Mendonça Filho sur un universitaire poursuivi par la dictature brésilienne dans les années 70 est très politique, brutal et joyeux. «L’Agent secret», carnaval de brio
On aime beaucoup
Le Rire et le Couteau de Pedro Pinho. Le film-fleuve du cinéaste, sur un ingénieur portugais venu faire une étude environnementale en Guinée-Bissau, glisse dans les méandres des désirs et des incertitudes. «Le Rire et le Couteau», en route libre
On aime
Pillion de Harry Lighton. Le premier long métrage du cinéaste suit une relation de domination avec Alexander Skarsgard dans le rôle d’un motard sado-maso. «Pillion», prix de la mise en SM
L’Inconnu de la Grande Arche de Stéphane Demoustier. Le cinéaste relate avec une tendresse amusée les déboires de l’ultra-débutant architecte danois qui a imaginé le monument parisien. «L’Inconnu de la Grande Arche», secrète Défense
On aime bof
The Chronology of Water de Kristen Stewart. Dans son premier long métrage, l’actrice adapte la Mécanique des fluides de Lidia Yuknavitch, mémoires d’une enfance sous l’emprise père abusif. «The Chronology of Water», Kristen Stewart mène l’intense
On déteste
Die, My Love de Lynne Ramsay. Porté par les prouesses d’une Jennifer Lawrence en Gena Rowlands, l’adaptation du roman Crève, mon amour par Lynne Ramsay s’avère un vide de fiction et de cinéma intersidéral. «Die, My Love» file le mal de mère
Portrait cannois
Devenu ami pendant l’ère Bolsonaro avec Kleber Mendonça Filho, qui lui donne le premier rôle de «l’Agent secret», Wagner Moura est d’une rare spontanéité. Cool d’éclat
En direct
Le retour surprise de Kevin Spacey ? L’entreprise de réhabilitation est lancée. Visé par de nombreuses accusations d’agressions sexuelles – certaines dont il a été acquitté mais d’autres non –, l’acteur, qui n’avait plus mis les pieds à Cannes depuis près de dix ans, devrait recevoir un «lifetime achievement honor» remis par l’ONG Better World Fund lors de son gala cannois, mardi 20 mai. Un voyage organisé selon Variety par le producteur du thriller The Awakening, dans lequel joue Spacey, et qui sera vendu au marché du film. Le média a également évoqué la possibilité d’une montée des marches pour l’acteur, ce qui serait un peu étonnant après l’engagement pris par le Festival de Cannes d’être vigilant sur les cas de violences sexistes et sexuelles.
Palme d’or d’honneur pour les bras de Pedro Pascal. A Cannes pour présenter Eddington d’Ari Aster, l’acteur a profité de la conférence de presse du film, samedi, pour évoquer à demi-mot, dans une contorsion très miss France, la situation politique aux Etats-Unis et notamment la chasse aux migrants menée par Donald Trump. «Je veux que les gens soient en sécurité et protégés, a dit l’acteur. Je veux aussi être du bon côté de l’histoire. Je suis un immigrant, mes parents sont des réfugiés chiliens, nous avons fui la dictature et j’ai eu la chance de grandir aux Etats-Unis après avoir reçu l’asile au Danemark. Si nous n’avions pas eu ça, je ne sais pas ce qui nous serait arrivé. Je soutiens ces protections.» La scène a beaucoup tourné sur les réseaux sociaux, moitié pour son message, moitié pour le marcel noir qu’arborait l’acteur aux bras musclés. «La peur, a-t-il ajouté, c’est comme ça qu’ils gagnent.»
Point critique, le quiz
Le jeu est simple : on vous donne un extrait d’une critique ciné parue dans Libération à l’époque, à vous de retrouver de quel film il s’agit !
«…Encore un cauchemar dermato ruisselant d’humeurs de toutes les couleurs et un nouvel éloge de la débrouille, avec ses scènes d’auto-avortement (avorté), d’auto-rhinoplastie (à coups de lavabo), d’auto-immolation par le feu.»
- Titane de Julia Ducournau
- Crash de David Cronenberg
- Trouble Every Day de Claire Denis
- Dracula de Dario Argento
Et demain ?
Parmi les films attendus, on citera le nouveau Spike Lee, Highest 2 Lowest, adaptation de Rançon sur un thème mineur d’Ed McBain, déjà porté à l’écran par Akira Kurosawa (Entre le ciel et l’enfer) avec Denzel Washington dans le rôle d’un magnat de la musique dont un des membres de la famille est enlevé. Au casting, le rappeur A$AP Rocky. Mais l’événement du jour sera, et de loin, la projection de gala d’Alpha de Julia Ducournau, palme d’or en 2021 pour Titane et qui réapparaît avec ce film soigneusement tenu secret et pour lequel Tahar Rahim avait perdu énormément de poids.