Critiques, portraits, interviews… Suivez jour après jour, toute l’actu du Festival de Cannes avec les envoyés spéciaux de «Libération».
Clap-clap-clap, bravissimo, cœur avec les doigts. Cannes c’est les JO de l’applaudimètre. La projection de gala d’Emilia Perez de Jacques Audiard a été saluée par une explosion d’enthousiasme synchrone d’un public galvanisé. Baromètre devenu omniprésent sur les réseaux sociaux, mais aussi dans des médias professionnels anglo-saxons, on apprenait quasi-instantanément que le film avait provoqué une «standing ovation de neuf minutes», analysée aussi sec par Variety comme la plus longue de tous les films projetés de la compétition. Sous-entendu : le film sera au palmarès et il va se vendre cher. Pourtant le distributeur français le Pacte qui a acheté les droits de Megalopolis de Coppola assure pour sa part que celui-ci a eu une ovation debout de «dix minutes» et le site Deadline affirme que Bird d’Andrea Arnold en a eu une de «onze minutes». Mettez-vous d’accord ou réglez vos montres, les gars… Steven Spielberg, rappelle le Hollywood Reporter, avait raconté qu’à l’issue de la projection d’E.T. à Cannes en 1982, une ovation de six minutes avait été chronométrée : «Lorsque je suis rentré à Los Angeles, elle avait atteint vingt minutes.» A Libé, on se met debout sur les chaises et on tape fort dans nos mains pendant plusieurs heures jusqu’à ce que les voisins nous supplient d’arrêter pour la Mer au loin de Saïd Hamich Benlarbi, Eephus de Carson Lund et Vingt Dieux de Louise Courvoisier.
Kevin Coster faisait aujourd’hui son come-back, vingt ans après Open Range avec montée des marches pour la présentation du premier volet de sa trilogie Horizon : An American Saga. Au total, un western de dix heures qui se déploie sur quinze ans après la Guerre de Sécession et où le cinéaste et comédien tient le rôle principal entouré par Sienna Miller, Sam Worthington et Luke Wilson. Projo presse demain pour nous. On saura la durée de l’ovation, longue vu la teneur du projet et le temps que Costner lui a consacré, sur le même mode que Coppola et avec lui aussi une partie de son propre argent.
On aime beaucoup
«La Mer au loin» de Saïd Hamich Benlarbi. Dans un film à la fois ample, lumineux et bouleversant, le cinéaste franco-marocain dépeint, à travers détails et rencontres, le parcours d’un émigré clandestin à Marseille. Notre critique : A la Semaine de la critique, une bande destinée
«Vingt Dieux» de Louise Courvoisier. S’inspirant du lieu et des gens de son enfance, la jeune cinéaste signe un premier film authentique et intelligent, chronique du milieu agricole, avec deux comédiens non professionnels fabuleux. Notre critique : Pour nous, c’est le prix spécial du Jura
«Eephus» de Carson Lund. Notre critique : Dans son premier film, le cinéaste américain transforme un match de baseball amateur en odyssée, dont les enjeux dépassent largement les limites d’un petit terrain de Nouvelle-Angleterre. C’est à la Quinzaine et c’est de la balle
Bof
«C’est pas moi» de Leos Carax. Ego trip brouillon du cinéaste suite à une commande du centre Pompidou pour une exposition qui n’a finalement pas eu lieu. Cannes Première. Notre critique : C’est tout lui
«Limonov, la ballade» de Kirill Serebrennikov. Le cinéaste adapte le livre d’Emmanuel Carrère et filme sans trop de distance les délires mégalos de l’auteur russe, s’attardant sur les années de lose à New York et passant un peu vite sur la dégringolade politique. Notre critique : Un portrait mangé par les mythes
En direct
Sous les affiches, la rage. Le collectif Tapis rouge colère noire s’est activé, dans la nuit de samedi à ce dimanche 19 mai, pour décorer la grande messe du cinéma d’affiches dénonçant la guerre à Gaza, les émissions de CO2, l’insuffisante prise en compte de #MeToo. Après une action déjà remarquée lors de l’édition 2023, les colleuses ont repris leurs placards et leurs rouleaux et pour demander le départ de Thierry Frémaux, qui veut un Festival «sans polémique» et qui en occupe des postes de direction depuis 2001 : «M. Frémaux, ça fait 23 ans, il faut partir maintenant…», peut-on lire sur l’une des affiches. A lire : Un collage nocturne pour rappeler que «le monde est là» malgré le «visage lisse» du festival
Jeune, qui es-tu ? Quelles sont tes pratiques culturelles, à toi et autres créatures du peuple des 15-25 ans ? Afin de comprendre pourquoi la jeunesse délaisse le grand écran au profit du streaming, sortaient simultanément deux enquêtes sur le sujet et était organisée sur la Croisette une rencontre professionnelle avec un échantillon d’ados un peu trop cinéphiles. A lire : Au Festival de Cannes, le secteur préoccupé par le péril jeune
Et demain ?
En compétition officielle, on découvrira enfin les Linceuls, nouveau long métrage de David Cronenberg, 81 ans, avec Vincent Cassel en veuf éploré, inventeur d’un dispositif inédit qui permet de communiquer avec les morts. Du lourd, sans doute, du gracieux, peut-être.
On se chauffe très fort pour The Apprentice du Suédois d’origine iranienne Ali Abbasi, premier prix Un certain regard 2018 pour Border. Non pas une variation sur l’émission de téléréalité du même nom, qui a remis Donald Trump en orbite avant sa transmutation en homme politique, mais le récit de la relation du futur président (joué par Sebastian Stan, bien connu des amateurs de Marvel) avec l’avocat Roy Cohn (Jeremy Strong).