Critiques, portraits, interviews… Suivez jour après jour, toute l’actu du Festival de Cannes avec les envoyés spéciaux de «Libération».
Huitième jour de festival, 148e jour en ressenti et le point «chips au petit-déjeuner» a été atteint. Mais la team Libé se sent légère au point de vouloir enfiler son Speedo et faire un 200 mètres nage libre depuis la plage du Midi car elle n’a vu que des bons films aujourd’hui. Est-ce à cause de la présence à Cannes de la flamme olympique ? En tout cas, on a bien envie de déclarer la nôtre à tout un tas de cinéastes. Immense brassée de cœurs sur vous, Sean Baker, Marcelo Caetano, Alain Guiraudie, Caroline Poggi, Jonathan Vinel et Jonás Trueba ! Aucun persiflage ne sera émis dans ce journal de bord.
Sur le tapis rouge, Cate Blanchett a rappelé aux festivaliers ébouriffés par leurs passages répétés dans l’essoreuse des superproductions de la compète qu’il existe un monde en dehors de la Croisette en arborant une robe recomposant, à l’aide du tapis rouge, les couleurs du drapeau palestinien. L’équipe de campagne de Donald Trump a menacé Ali Abbasi de le traîner devant les tribunaux à cause des «mensonges» de son film The Apprentice (il a haussé les épaules) et si ça ne tenait qu’à nous on traînerait bien… – mais non, aucun persiflage ne sera émis dans ce journal de bord.
On adore
«Anora» de Sean Baker. Bourré d’énergie et porté par la formidable Mikey Madison, le film du cinéaste américain sur une jeune travailleuse du sexe tentant de s’extirper de sa condition par un mariage fortuné ravit. Sean Baker transforme l’excès
«Miséricorde» d’Alain Guiraudie. Le film de l’indispensable cinéaste et écrivain, présenté en section Cannes Première et non en compétition comme il l’aurait mérité, suit un jeune homme de retour au village, et cache derrière sa manière simple des abîmes de beauté et d’ambiguïté : une «Miséricorde» à son art
On aime beaucoup
«Baby» de Marcelo Caetano. Solaire et sensuel, le deuxième film du Brésilien Marcelo Caetano narre la relation entre un jeune délinquant et l’homme mûr qui le prend sous son aile, entre exploitation et passion. Oh oui, Daddy moi oui
«Eat the Night» de Caroline Poggi et Jonathan Vinel. Les cinéastes plongent un superbe trio de héros dans le tourbillon d’une vie qui les mènera à un destin funeste, mélangeant brillamment les genres pour les dissoudre. Et c’est ecsta
On aime
«The Village Next to Paradise», de Mo Harawe. Sans pittoresque ni emballement, le beau long du cinéaste, premier film somalien en sélection à Cannes, raconte la galère d’un père aimant mais un peu défaillant. Pour nous, le prix de la mouise en scène
«Sister Midnight» de Karan Kandhari. Porté par les talents comiques de son actrice principale, le film indien est un détournement pop d’un mariage arrangé et malheureux. En chair et en noces
Bof
«Marcello Mio» de Christophe Honoré. Malgré une inspiration certaine derrière son scénario, qui voit l’actrice Chiara Mastroianni en pleine crise d’identité réincarner son père disparu, le film du Français ne dépasse pas le vaudeville mondain. Un film qui tourne en daron
What the fuck ?
«Les Linceuls» de David Cronenberg. En compétition, le cinéaste canadien pousse un peu loin sa veine abstraite avec un film au ton absurde sur le deuil, les images et la technologie où tout finit par partir en vrille. Le rôle décomposition de Vincent Cassel
Le portrait du jour
Itsaso Arana, du cœur à l’ouvrage. L’actrice et scénariste, qui signe le scénario de Septembre sans attendre au côté de son compagnon Jonás Trueba, raconte l’expérience «asphyxiante et folle» de faire un film avec son partenaire. Rencontre cannoise avec l’Espagnole et notre critique d’un film en forme de nouvelle variation enthousiasmante sur la comédie de remariage
Chassé Croisette
Interro surprise de Milo Machado-Graner. Une anecdote de votre premier festival de Cannes ? Qu’est-ce qui vous fait détourner les yeux de l’écran ? Un film qui vous fait ressentir l’amour ouf ? Toutes les réponses, et plus encore, du jeune acteur, découvert l’an dernier dans Anatomie d’une chute et de retour pour Spectateurs ! (demain en séance spéciale) d’Arnaud Desplechin
En direct
«On espère que Cannes augmente ses chances». Abou Sangare, Guinéen de 23 ans, demandeur d’asile et premier rôle du film de Boris Lojkine, l’Histoire de Souleymane, est sous le coup d’une obligation de quitter le territoire. Lors de la projection au Festival, le jeune acteur non professionnel a récolté de longues minutes d’ovation. Derrière «l’Histoire de Souleymane», la menace d’expulsion d’Abou Sangare
Un soutien symbolique. «Elles n’ont absolument rien fait de mal, elles ont juste monté un spectacle et ça fait déjà un an qu’elles sont en prison», a dénoncé le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov, qui a brandi des portraits des deux femmes devant les photographes lors de son passage pour la présentation de son Limonov, la ballade. Le cinéaste et metteur en scène de théâtre a quitté la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine. La metteuse en scène Evguénia Berkovitch, 39 ans, et la dramaturge Svetlana Petriïtchouk, 44 ans, ont été arrêtées le 5 mai 2023 pour «justification du terrorisme» et sont jugées depuis lundi devant un tribunal de Moscou. L’accusation porte sur un spectacle de 2020, Finist, le clair faucon, racontant l’histoire de Russes recrutées sur internet par des islamistes en Syrie et partant les rejoindre pour les épouser. «Je crains qu’elles soient mises derrière les barreaux pour longtemps puisqu’elles risquent de cinq à sept ans de prison. [...] Pour rien, puisque l’accusation ne fait même pas semblant de trouver quelque chose qui puisse la conforter», a déclaré Serebrennikov.
Une disparition. Quelques jours seulement après la projection cannoise de Megalopolis, l’un des producteurs, un proche de Coppola ayant travaillé à ses côtés depuis ses tout débuts (Conversation secrète, le Parrain 2 et 3, Apocalypse now ou encore Cotton Club..), Fred Roos est mort à l’âge de 89 ans. C’est une figure du Nouvel Hollywood, un dénicheur de talent hors pair puisqu’il a contribué à lancer les carrières de Jack Nicholson, Harrison Ford, Tom Cruise, Josh Hartnett… Il était aussi le producteur exécutif du fameux Hearts of Darkness, le making-off d’Apocalypse now par Eleanor Coppola, elle-même morte fin avril. En juin 2023, Coppola avait posté sur son compte Instagram une des dernières photos publiques de son ami, en plein tournage de Megalopolis au côté d’Adam Driver.
Une confirmation. Thierry Frémaux a enfin pu rendre officielle la présence à Cannes du cinéaste iranien Mohammad Rasoulof pour présenter The Seed of the Sacred Fig en compétition officielle, après sa fuite d’Iran pour échapper à la sentence de huit ans de prison assortie de coups de fouets et de confiscation de ses biens. Le festival entend ainsi réaffirmer son soutien «à tous les artistes qui, dans le monde, subissent violences et représailles dans l’expression de leur art», a déclaré le délégué général.
Une robe porte-drapeau. Du noir, du blanc, du vert et le tapis rouge. Lundi 20 mai au soir, lors de la montée des marches de The Apprentice, la tenue de Cate Blanchett a été très scrutée. Signée Jean Paul Gaultier par Haider Ackermann, la robe noire et blanche est doublée sur sa face intérieure de vert, que l’interprète de Tár a relevée pour laisser apparaître, grâce au rouge du tapis cannois, ce qui ressemblait à un drapeau palestinien. Un jeu de couleurs habile qui, selon les internautes, ne peut être le fruit du hasard. D’autant que ce n’est pas la première fois que Cate Blanchett aborde la question du conflit. Le 8 novembre 2023, un mois après le début de la guerre entre le Hamas et Israël, l’actrice prononçait, devant le Parlement européen, un discours sur la situation des réfugiés dans le monde. Ambassadrice du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) des Nations unies, l’actrice appelait déjà à «un cessez-le-feu humanitaire immédiat» dans la bande de Gaza. Guerre à Gaza : sur les marches, la robe très politique de Cate Blanchett
Et demain ?
«Préparez-vous pour le panda !» C’est ce que nous a susurré un critique portugais frétillant à l’approche de la projection du très attendu film de Miguel Gomes, Grand Tour, décrivant, si l’on en croit le synopsis, une traque à travers les forêts tropicales d’Asie du Sud-Est en 1917 par l’auteur de Tabou et des Mille et une nuits.
Egalement en compétition, Karim Aïnouz sera de retour un an seulement (!) après la sélection du Jeu de la reine avec Motel Destino, thriller érotique dans un hôtel de bord de route au nord du Brésil.
A la Quinzaine des cinéastes, Vers un pays inconnu du Dano-Palestinien Mahdi Fleifel met en scène deux cousins palestiniens ayant fui un camp au Liban et se retrouvant coincés à Athènes, alors qu’ils cherchent à rejoindre l’Allemagne.