Critiques, portraits, interviews… Suivez jour après jour, toute l’actu du Festival de Cannes avec les envoyés spéciaux de «Libération».
Côté jour, le débarquement cannois de l’équipe d’Un p’tit truc en plus, comédie feel good ayant franchi le cap des 3 millions d’entrées, une montée des marches teasée comme jamais grâce au coup de sang du comédien et réalisateur Artus, outré à juste titre que son casting d’acteurs en situation de handicap soit boudé par les marques – un affront finalement réparé au bon soin du groupe Kering suite un coup de fil personnel du boss François Pinault (28e fortune mondiale selon Forbes).
Côté nuit, on s’est incrusté, porté par une bande de semi-inconnus, dans une villa où avait lieu la fête du film Santosh. A la porte, passés les videurs les plus suspicieux du monde, on n’était pas prêt pour la seconde épreuve : tomber nez-à-nez avec le producteur du film qui nous barre la route et demande : «Alors, vous en avez pensé quoi ?» Panique cognitive, on ne l’a pas vu. C’était sans compter l’intervention providentielle d’un des inconnus qui se met à débiter sans respirer, en guise de sésame : «C’est hyper intéressant au niveau de la construction même si je trouve qu’il y a un petit ventre mou dans le dernier tiers mais hormis ce petit problème de rythme on sent vraiment une patte, bravo.» Réutilisable pour n’importe quel film ; le producteur a eu l’air satisfait. On a pu entrer.
On aime
«Ce n’est qu’un au revoir» de Guillaume Brac. Gracieux et sensible, le documentaire retrace les trois dernières semaines d’une classe de terminale à Die. Notre critique : Guillaume Brac surfe sur l’internat
On aime bof
«Ernest Cole, photographe» de Raoul Peck. Le cinéaste haïtien consacre un documentaire à la vie et surtout à l’œuvre du photographe sud-africain, pionnier de la dénonciation de l’apartheid : Ernest Cole à la peau
«Viêt and Nam» de Minh Quy Truong. Dans un deuxième long plein de gravité et d’originalité sur deux amants travaillant dans une mine, Minh Quy Truong explore les traumas hérités de la guerre du Vietnam : Charbon pour le moral
What the fuck ?
«Parthenope» de Paolo Sorrentino. Le cinéaste italien revient pour la septième fois en compétition avec une énorme machinerie sur la vie des riches et puissants, à l’esthétique de publicité et cofinancée par un grand couturier, nous gavant à l’idée que les nantis aussi ont une âme… Palace, ton univers impitoyable
«Grand Tour» de Miguel Gomes. Sur les traces d’une femme abandonnée traquant son fonctionnaire de promis à travers l’Asie du début du XXe siècle, l’épopée hybride du cinéaste portugais est un triste ratage. Notre critique : Colons irritants
Les portraits du jour
Ben Whishaw, élégant de velours. L’acteur britannique, qui joue l’écrivain Limonov dans le film de Kirill Serebrennikov, évoque sa fascination pour la noirceur et la liberté d’exploration qu’offre l’art. Rencontre cannoise avec l’acteur britannique
Erwan Kepoa Falé, tombé de la nuit. Rayonnant dans Eat the Night de Caroline Poggi et Jonathan Vinel, l’acteur touche-à-tout raconte ses débuts dans le milieu du cinéma. Rencontre cannoise avec l’acteur français
Restons palme
La critique divisée pour mieux grogner. Cannes, bilan d’étape : dans quel état erre-t-on ? Il n’y a plus d’heure, plus de saison ma bonne dame, et à trois jours de la fin de la compète, plus de boussole pour les critiques qui constatent chaque jour une polarisation extrême des positions sur les films. Dans ce contexte, le Festival semble avoir atteint un grand degré d’ingénierie dans la présentation d’œuvres comme des manèges à sensation face auxquels la critique tend à passer pour peine-à-jouir. Le billet de Sandra Onana
En direct
Après les polémiques, la montée des marges. Devant le tapis rouge, son fauteuil roulant slalome entre les CRS et les instagrammeuses. On doit presque sauter par-dessus les haies de chihuahuas pour rattraper Hubert Contenson, 27 ans, apprenti comédien touché par une maladie neuromusculaire, venu de Nice pour assister comme nous à la montée des marches de l’équipe d’un Un p’tit truc en plus, comédie à succès du réalisateur et humoriste Artus. L’événement est pour certains anecdotique. Pour le jeune homme, il est «historique» : la mise en lumière symbolique d’une équipe entière de comédiens porteurs de handicap, gravissant les marches d’un festival de renommée mondiale, nimbés d’une auréole à 3 millions d’entrées. Notre reportage en bas des marches. A lire aussi : «Libé» a vu «Un p’tit truc en plus» avec deux femmes porteuses de trisomie 21 et la tribune signée par le Syndicat des professionnels du cinéma en situation de handicap pour demander une réforme de l’intermittence pour les artistes handicapés.
L’heure des prix pour la Semaine de la critique. Première distribution de prix à la Semaine de la critique, sélection parallèle au plus proche de la création. Le jury présidé par Sylvie Pialat a remis le prix de la SACD remis à Julie Keeps Quiet du Flamand Leonardo Van Dijl ; le prix de la révélation au comédien Ricardo Teodoro pour son rôle dans Baby de Marcelo Caetano ; le prix French Touch à l’Américaine Constance Tsang pour Blue Sun Palace ; et le grand prix à Simon de la Montaña de Federico Luis.
Et demain ?
Côté compétition, c’est du lourd, puisque voici venu l’heure de la projection des quelque trois heures de l’Amour ouf de Gilles Lellouche, qui succède à son premier long métrage le Grand Bain et s’annonce comme un ample récit sur un couple interprété par François Civil et Adèle Exarchopoulos.
Très différent, All We Imagine as Light de Payal Kapadia, cinéaste indienne dont on avait aimé l’expérimental Toute une nuit sans savoir. On pourra voir aussi, en avant-première déVIPée, le Comte de Monte-Cristo de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière avec Pierre Niney dans le rôle d’Edmond Dantès.