La trace de son rouge à lèvres sur le plancher d’une scène, éclaboussée par ses larmes, tandis qu’elle chante (en playback) la chanson Piensa en mí, armée de longs gants rouges de vamp et d’un cheveu blond platine. Dietrich et Hayworth fondus à la madrilène. Côté flamboyance, on ne saurait imaginer meilleur sillage que celui laissé par Marisa Paredes dans Talons aiguilles (1991) de Pedro Almodóvar, dont elle fut l’une des égéries, et dans le cinéma espagnol récent, dont elle fut une des plus grandes actrices. Elle est morte dans la nuit de lundi à mardi 17 décembre, des suites d’un problème cardiaque, à l’âge de 78 ans. La drama queen, mater dolorosa, fut aussi l’incarnation d’une femme espagnole moderne, postfranquiste, complexe, ambitieuse mais blessée. Et sans doute plus que ça : Almodóvar la jugeait «presque trop classe pour le cinéma espagnol».

Sa classe est d’abord ouvrière : sa mère, Petra, est concierge dans un immeuble où vit une riche famille, son père, Lucio, ouvrier dans une brasserie, son enfance «pareille à un conte de Dickens» selon ses termes. María Luisa Paredes Bartolomé naît à Madrid le 3 avril 1946. La vue de l’appartement donne