Les fêtes de Noël approchent et vous êtes à l’affût d’idées cadeaux ? Retrouvez les recommandations de Libé ici.
L’époque étant aux ténèbres, autant s’abandonner aux gouffres amers de la Hammer, temple légendaire du fantastique à l’anglaise, qui, des années 50 à 70, ressuscita dans un écrin rouge sang les monstres gothiques d’Universal (vampires, loups-garous, momies et autres morts-vivants avec ou sans bandelettes). Gore en technicolor, filles sexy et érotisme diffus remplacent la palette charbonneuse d’antan. Couvrant la période flamboyante des sixties, avant que les feux du studio britannique ne déclinent, ce luxueux coffret, éclairé par les interventions lumineuses de l’indispensable Nicolas Stanzick, rassemble une poignée de chefs-d’œuvre des auteurs les plus inspirés de l’écurie Hammer, John Gilling et surtout Terence Fisher – hormis un poussif Raspoutine, le moine fou de Don Sharp, vite oublié. Tous mettent en scène l’affrontement entre morale corsetée et pulsions destructrices.
A tout saigneur tout honneur, la cuvée s’ouvre avec Dracula, prince des ténèbres (1966), troisième de la trilogie de Fisher, avec un Christopher Lee impérial, plus dandy et bestial que jamais – aucun mot ne sort de sa bouche hormis de menaçants feulements, toutes canines dehors –, pure expression d’une libido vorace. Dans Frankenstein créa la femme (1967), Fisher opère un déplacement : le monstre n’est plus la créature mais le savant lui-même (Peter Cushing, l’autre star maison), incarnation de la science sans conscience. Inoculant l’âme d’un jeune homme décapité dans le corps de sa fiancée suicidée, le fantastique fisherien, teinté de mélodrame, joue ici sur le trouble des identités et la confusion des genres.
L’Invasion des morts vivants (vision contemporaine du zombie putrescent qui inspirera Romero) et La Femme reptile (1966), films jumeaux de John Gilling où il est question d’un mal inconnu aux origines lointaines contaminant la population jusqu’à la décimer, métaphorisent la décadence de l’empire britannique, dont le péché originel, le colonialisme, semble se retourner contre lui – même lecture politique dans le plaisant récit d’aventure Dans les griffes de la momie (1967), toujours de Gilling.
Et enfin les Vierges de Satan (1969) – un aristocrate tente de sauver un jeune homme de l’emprise d’un gourou sataniste. Merveille de mise en scène quasi langienne où Fisher injecte à cette histoire d’occultisme dans le Swinging London une réflexion sur la dualité entre bien et mal, deux facettes en miroir d’une même pièce, livrant en passant, à travers une mémorable séance d’hypnose, une splendide allégorie du cinéma : ou l’irrésistible fascination d’un rêve éveillé…