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Libération
En noir et blanc

«Fremont», seule en chaîne

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La mélancolie d’une réfugiée afghane à San Francisco donne lieu à un film cocasse et charmant sur l’absurdité de l’existence.
Le personnage de Donya est interprété par la superbe débutante Anaita Wali Zada. (JHR Films)
publié le 5 décembre 2023 à 23h40

Les fétichistes du nez qui coule devront passer leur chemin. Avec Fremont, du nom d’une ville voisine de San Francisco où vit la plus grosse communauté d’Afghans aux Etats-Unis, le cinéaste Babak Jalali met les goinfres du pathos au régime sec, ayant mieux à faire que verser dans l’emphase compassionnelle. Par exemple, réussir un film de son époque en noir et blanc, charmant, de peu de mots, en ménageant des variations de tons sur une gamme minimaliste. Le récit se fond dans le quotidien prolétarien de Donya (la superbe débutante Anaita Wali Zada), traductrice de formation, âgée d’une vingtaine d’années. La jeune femme a travaillé comme interprète sur une base de l’armée américaine avant de fuir les persécutions des talibans, laissant sa famille derrière elle. Et traîne donc, pour certains voisins de la communauté qui lui réservent une froideur de banquise, l’image d’une vendue. Toute diplômée qu’elle est, la voici employée dans une usine de biscuits chinois.

L’absence d’automatisation de la main-d’œuvre dans cette fabrique de «fortune cookies» offre un potentiel de décalage au film qui le rend rigolard par en dessous, mélancolique par-dessus, taquiné par le crissement de la cellophane entre les doigts et les soupirs d’un saxo à la bande-son. Les gâteaux renferment des maximes porte-bonheur glissées sur des bouts de papiers que Donya, promue rédactrice, se retrouve en charge d’écrire. Avec quelle joie de vivre, au juste ? Gentiment ravagé, le psy en veston de laine qui