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Greta Gerwig, Payal Kapadia, Jesse Plemons… Rencontres cannoises pendant le Festival

Chaque jour, l’envoyée spéciale de «Libération» Marie Klock a arpenté la Croisette et écumé plages et hôtels à la rencontre de personnalités du cinéma. Retour sur deux semaines de Festival.
Jesse Plemons, Greta Gerwig, Payal Kapadia. (Laura Stevens/Modds pout Libération)
publié le 26 mai 2024 à 15h11

La première rencontre de ce festival a lieu dans une formidable décharge de stress : ce n’est que le matin même qu’on apprend qu’on pourra parler à Greta Gerwig, trois heures plus tard, pour une petite vingtaine de minutes, photo comprise. Frénésie totale, rafraîchissement de mémoire express (merci à la fantastique responsable de la doc à Libé Bénédicte Dumont, au taquet pour fournir en moins d’une minute 500 pages de documentation dont on n’aura évidemment le temps de lire que 0,1%), que demander en si peu de temps ?

Et puis, quand Greta débarque dans la pièce maladroitement perchée sur ses talons gratte-ciels, qu’elle s’assoit le souffle court, de l’inquiétude dans le regard et la voix, et qu’elle se met à évoquer ses nuits agitées, son incrédulité totale quand Frémaux lui a proposé de présider le jury («C’est une blague ?»), on se rappelle cette banalité qu’on n’oubliera plus tout au long de ces deux semaines : tous ces gens diversement célèbres, bardés d’équipes à leurs petits soins et sublimés dans des sapes hors de prix, professionnels dans les poses intenses qu’ils offrent à l’objectif de notre photographe Laura Stevens avec l’assistance d’Antoine de Tapol, sont au fond des gens comme nous, imparfaits et pas toujours passionnants. Merci à eux de nous avoir laissé accéder à leur normalité autant qu’à leurs instants de grâce.

Greta Gerwig : «Je suis plus sensible à la conversation entre les films qu’à tout ce qui les sépare»

Elle apparaît à midi au dernier étage du Palais des festivals, sous le ciel gris de Cannes où pas grand-chose ne se passe pour l’instant. Greta Gerwig déboule à pas mal assurés sur d’invraisemblables escarpins («On dirait des sabots, vous ne trouvez pas ?»). Quelque chose d’Alice au pays des merveilles dans la robe de la cinéaste qui s’assoit péniblement sur son fauteuil et commence par se dandiner – «Je suis en train d’essayer de comprendre comment me tenir avec ce corset. Je n’en avais jamais porté avant. J’ai vraiment beaucoup d’admiration pour les femmes du XIXe siècle. Quelle… quelle prouesse.» Les habitudes ancestrales sont coriaces, voilà la réalisatrice de Barbie qui souffre en face de nous, engoncée dans deux symboles de l’oppression du corps féminin, dont elle finit au moins partiellement par se débarrasser en ôtant ses godasses compliquées. Lire l’interview.


Clara Maria Laredo, Corse majeure

Un drôle de feu habite cette jeune femme encore totalement inconnue au cinéma, et que les moteurs de recherche qualifient pour l’instant de «personnalité politique». Clara-Maria Laredo, 20 ans, tient un premier rôle surprenant dans A son image, adaptation par Thierry de Peretti du roman de Jérôme Ferrari. Là, elle est Antonia, toute jeune photographe à Corse-Matin qui, au milieu des années 80, s’entiche d’un nationaliste corse ténébreux et glisse ainsi, son appareil toujours à portée de main, aux premières loges d’une lutte armée de plus en plus violente. Lire son portrait.


Hernán Rosselli, pari à tout prix

Il y a peu, Hernán Rosselli partageait sur ses réseaux sociaux un message alarmant sur les coupes drastiques dans le financement du cinéma en Argentine, depuis l’élection de Javier Milei. Assis sur la plage de la Quinzaine des cinéastes, le cinéaste nous le dit très ouvertement : sans cette sélection à Cannes, qui a permis d’attirer in extremis des producteurs espagnols et portugais, il ne sait pas s’il aurait pu finir son film. Lire son portrait.


Jesse Plemons, roux libre

Voilà l’homme, tranquillement assis dans un palace cannois, poli mais sans plus, l’air de rien en particulier, méconnaissable à tous les niveaux jusqu’à la forme même de son visage, le son et le rythme de sa voix, sa façon de marcher. Point roux en mouvement perpétuel sur un axe Matt Damon-Philip Seymour Hoffman, Jesse Plemons se métamorphose au sein même de Kinds of Kindness, grande fable de perversités en trois actes où l’acteur américain révélé au grand public par son rôle de taré vermicide dans la série Breaking Bad est tour à tour Robert, Daniel et Andrew. Lire son portrait.


Barry Keoghan, instinct suspendu

L’Irlandais coutumier des rôles de gosse bizarre – tueur de chat dans la série Love/Hate, ado inquiétant chez Lánthimos (Mise à mort du cerf sacré), fils simplet dans les Banshees d’Inisherin – a aujourd’hui 31 ans et se réjouit de jouer enfin un rôle de père. «C’est très nouveau pour moi, ça m’a poussé à aller chercher un endroit que je ne pensais pas réussir à atteindre. J’ai beaucoup appris. Enfin on apprend sans arrêt, à chaque nouveau travail. Sur soi-même, sur ses limites…» Lire son portrait.


Itsaso Arana, du cœur à l’ouvrage

Un simple voile tendu entre deux câbles sur le ciel gris, et Itsaso Arana vous fait oublier tout ce qui se passe autour, les quinze interviews simultanées, les chaises en plastique qui raclent la terrasse, l’agitation du déjeuner. Elle danse doucement avec la gaze, sur une mélodie imaginaire qui pourrait ressembler à la Valse triste de Sibelius. Sa beauté physique nous inspirant beaucoup trop de métaphores pour un seul article, regardons plutôt à l’intérieur d’Itsaso Arana, 38 ans, un intérieur fleuri qui s’exprime à merveille au contact de son partenaire de cinéma et de vie, Jonás Trueba. Lire son portrait.


Ben Whishaw, élégant de velours

Ben Whishaw, d’un pas calme et assuré, revient de la piscine au bord de laquelle il vient de se faire photographier. On lui tend la main, et on reçoit en retour la poignée la plus remarquablement exécutée qu’on ait jamais vécue. Une leçon de diplomatie européenne, contenue dans un simple geste. Les treize minutes d’entretien avec Ben Whishaw seront à l’avenant et il faudra se concentrer très fort pour ne pas succomber à la fascination de toutes ces belles manières qu’a l’acteur britannique, qui répond aux questions comme s’il interprétait un texte, expressif jusque dans la moindre de ses prépositions. Lire son portrait.


Erwan Keopa Falé, tombé de la nuit

A 32 ans, le jeune homme originaire de Cergy rayonne sous la direction de Caroline Poggi et Jonathan Vinel dans le rôle d’un dealer un peu malgré lui, sensuel, intègre et doux, guidé par l’amour, un registre dans lequel il excellait déjà chez Christophe Honoré il y a deux ans. C’est avec le Lycéen qu’il se fait remarquer. Sa première apparition à l’écran, dans le court Akaboum, il la doit à Manon Vila et, comme souvent, à une rencontre fortuite : alors qu’il a 24 ans, la cinéaste s’intéresse à la bande d’amis qui gravite autour de son compagnon de l’époque. «C’était mon premier copain, il était plasticien, il faisait des fringues… et ses potes d’enfance étaient tous un peu musiciens. Manon voulait faire un docu très légèrement fictionnel et m’a proposé de jouer dedans – c’est un pur hasard que je me sois retrouvé là.» Lire son portrait.


Payal Kapadia : «Je fais des films pour essayer de comprendre un peu mieux ce qui m’entoure»

Rencontre avec la cinéaste indienne Payal Kapadia sur une plage cannoise où tout le tintouin paraît soudain bien ridicule face à la profondeur de la conversation, qui éclaire le contexte de son fascinant premier long métrage de fiction, All We Imagine as Light, présenté en compétition officielle. Dans ce film, , la cinéaste questionne la notion d’indépendance en tant que femme en Inde, tout en mesurant ses privilèges. Lire l’interview.


João Pedro Mariano et Ricardo Teodoro, beaux bébés

Après s’être roulés à demi-nus dans le sable fin, ils n’enfilent rien d’autre qu’une petite chemisette de coton sommairement boutonnée. Le vent est très frais pourtant ce matin-là, malgré un soleil obscène qui donne à la mer des tons turquoise de carte postale érotique. Mais rien ne semble pouvoir éteindre la braise de ces deux hommes dont la relation aussi sanguine que tendre illumine les semi-pénombres les plus crasseuses du centre de São Paulo, haut lieu de prostitution masculine où le Brésilien Marcelo Caetano plante son nouveau film, Baby. Lire le portrait.