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Libération
Printemps arabes

«Harka», colère du temps

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La Tunisie après Ben Alidossier
Trajectoire d’un jeune homme tunisien malmené par la société injuste qui l’entoure, l’impressionnant premier long métrage de Lotfy Nathan ravive autant qu’il panse les blessures du pays, douze ans après les printemps arabes.
Vendeur d’essence de contrebande, ignoré ou méprisé par l’univers entier, maltraité par la police corrompue, endetté par héritage ou par malédiction, Ali (Adam Bessa) s’active pour survivre dans la petite ville caniculaire. (Dulac distribution)
publié le 2 novembre 2022 à 3h45

C’est par l’intensité, une forme de concentration de matière qui va jusqu’à l’implosion, qu’Harka se tire, vers le haut, d’un sujet aussi casse-gueule – aussi dur, directement – que cette variation tragique sur la figure de Mohamed Bouazizi, ce jeune homme dont le suicide par immolation en décembre 2010 sera l’un des détonateurs de la révolution tunisienne contre le régime du dictateur Ben Ali. Bouazizi ou son fantôme ? Hantant, plus d’une décennie plus tard, les décors réels de sa vie, la ville de Sidi Bouzid de nos jours, quelque part dans une région centrale de la Tunisie actuelle, contemporaine. L’acteur qui s’en charge, de cette figure ou de ce mythe (devenu tel), déclencheur d’une et plusieurs révolutions, le fait avec autant de folle intensité que le film qu’il porte de bout en bout : c’est Adam Bessa, jeune comédien franco-tunisien, dans le rôle d’Ali, tout en gestes lents de rage contenue et en regards épuisés, indéchiffrables, saturés d’un illisible au fond duquel se lit sans arrêt, limpide et terrible, toute l’histoire. Vendeur d’essence de contrebande, ignoré ou méprisé par l’univers entier, maltraité par la police corrompue, endetté par héritage ou par malédiction, Ali s’active pour survivre dans la petite ville caniculaire – et dans le grain des plans néoréalistes, stylisés pour mieux vibrer : pour décrire la tension sociale par la tension visuelle et sonore.

En direction de l’implosion

Lotfy Nathan, auteur de ce premier long métrage tourné dans une langue qu’il dit ne pas bien parl