Des grands yeux couleur huître, des cheveux aux lueurs de feu, une flamboyance, un tropisme pour les aventures d’avant-garde qui marquent durablement, bien au-delà de leur époque, et une indifférence totale à la notoriété : la comédienne, autrice, et photographe Hermine Karagheuz s’est éclipsée le 30 avril. C’est doucement et lentement que la nouvelle se propage, et ce dernier antagonisme avec l’immédiateté anxiogène qui signe le XXIe siècle n’aurait pas été pour lui déplaire. Elle est née dans une famille d’orphelins exilés arméniens, père musicien un peu gitan, mère aux professions diverses. Une famille modeste posée à Issy-les-Moulineaux, «l’autre département arménien», et avec les années, son engagement pour le pays de ses parents et l’arménianité du Haut-Karabakh étaient devenus de plus en plus importants. Quand a lieu le séisme de 1988, elle embarque immédiatement en Arménie afin d’y apporter son aide et en revient avec un reportage photos.
De fil en aiguille
«Indomptable» est le premier mot qui franchit les lèvres de la photographe Dominique Issermann quand elle évoque son amie. Dont elle se souvient qu’elle avait vécu en forêt dans une cabane, peut-être dans les années 60. Mais aussi de son apparition, sur une plage déserte de Sperlonga, en Italie, à l’orée des années 70, flanquée d’un jeune metteur en scène déjà remarqué mais encore quasi inconnu, Patrice Chéreau, et du scénographe tout aussi débutant Richard Peduzzi. «Poétique» est l’autre terme qui accompagne iné