On pense à cette expression, les «sans-dents», inscrite à l’encre indélébile dans le répertoire des saloperies politiques du hollandisme (avant que les macronades ne prennent le relais). Dans son premier film, Ibrahim, Samir Guesmi, comédien à la filmographie abondante (des rôles dans les films de Sólveig Anspach, Arnaud Desplechin, Tonie Marshall, Noémie Lvovsky…) se méfie de l’explicite, posant des situations qui soufflent leurs insinuations d’elles-mêmes, mais il s’autorise une littéralité : l’infirmité sociale de l’homme qu’il interprète, illettré, père célibataire qui écaille des poissons à l’entrée d’une belle brasserie parisienne, se dit dans le handicap d’une bouche édentée. Suspendus à l’achat des coûteuses prothèses qui lui permettraient d’être affecté au service en salles, ses rêves de promotion sont anéantis par une bêtise de son fils adolescent, Ibrahim (jolie trouvaille que le débutant Abdel Bendaher). Celui-ci tente de réparer les dégâts, mais ne pourra causer que de nouveaux dommages au contact d’une mauvaise graine comme Achille, l’ami qui l’entraîne dans ses larcins jusque sur le canapé de messieurs un peu trop affables, auprès de qui pleut l’argent facile. Quelque chose craquelle quand le personnage douceâtre interprété par Philippe Rebbot entre en scène. Et puis le film de cette descente aux enfers n’advient finalement pas, laissé suspendu avant le glauque ostentatoire – avant, aussi, d’échapper tout à fait à nos attentes. Sanglé dans ses sobres en
Critique
«Ibrahim» de Samir Guesmi, repères et fils
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Abdel Bendaher dans le rôle d'Ibrahim et le comédien et réalisateur Samir Guesmi dans le rôle du père. (Anne-Françoise Brillot)
par Sandra Onana
publié le 22 juin 2021 à 11h43
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