Après avoir porté son regard sur les pharaoniques travaux chinois du barrage des Trois-Gorges (Zone of Initial Dilution, 2006) et du transfert des eaux du Nan Shui Bei Dao (Sud Eau Nord Déplacer, 2015), Antoine Boutet le tourne modestement vers le chantier du coin de sa rue, à Bordeaux. Ourlé d’un impressionnant travail sonore, Ici Brazza s’intéresse à la gestation et naissance du quartier de Brazza, fruit de la volonté politique (et, à n’en pas douter, commerciale) sur 53 hectares en bord de Gironde en lieu et place d’une friche. Il documente le passage du terrain vague encore boueux et grésillant de bruits d’insectes à un immense chantier piqueté de panneaux, jusqu’aux habitations encore vides où l’on essuie littéralement les plâtres.
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Même si l’optique est volontiers amusée, saisissant au vol les slogans volontaristes de bannières publicitaires ciblant avant tout les jeunes urbains ou s’amusant de la silhouette d’une grue, la démarche à plat – revenir régulièrement faire les mêmes plans, voir le quartier sortir de terre, année après année – se distingue par son refus de juger. L’on entend de rares et précaires habitants – SDF, gens du voyage – voués à être délogés, mais Ici Brazza se distingue par son absence de personnages. L’on pense fugacement à la série Summer Nights du photographe américain Robert Adams, qui chroniquait le nouvel Ouest périurbain à travers des paysages esseulés. A la place d’humains surgissent des silhouettes en 2D dé