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Libération
Derrière les machines

«Jeunesse (le printemps)» : Wang Bing donne du grain à coudre

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Le cinéaste chinois pose ses caméras au milieu du bourdonnement des ateliers de confection de Zhili, où des jeunes gens triment sans relâche, et capture l’énergie bouillonnante des filles et des garçons derrière les machines.
Pendant ces cinq années, Wang Bing a rassemblé 2 500 heures de rushs. (Les Acacias)
publié le 2 janvier 2024 à 17h30

D’abord le bruit, qui nous prend corps et âme pour nous poser vite, très vite, aux côtés des jeunes Chinois. Dans l’atelier de confection, la musique est à fond, les machines à coudre vrombissent par saccades, les moqueries aussi d’un bout à l’autre de la pièce. Les filles et les garçons se charrient, crient, tout en enchaînant des gestes d’une précision folle et sans cesse recommencés. Points droits, point d’arrêt. Une fois, deux fois, vingt fois. Sweats à fleurs taille enfant, doudounes orange, coup de ciseaux. Deux jeunes sortent de l’atelier, nous aussi, dehors il fait nuit, on n’y voit rien mais on grimpe à toute vitesse derrière eux, à se demander si on ne va pas tous rater une marche. Le garçon suit la fille, ils filent dans leurs dortoirs à l’étage, au-dessus de l’atelier. Ils ont la vingtaine, ils dorment là, travaillent là, font la queue pour la douche. Le garçon propose à la fille de lui prêter son sceau. Ils partagent leur intimité, et nous aussi pendant les trois heures et demie que dure Jeunesse (le Printemps), le nouveau film du grand Wang Bing.

«Impossibilité totale de contrôle»

«Contrairement à la fiction qui se construit sur un scénario connu d’avance, quand on fait le choix du documentaire, on est face à une réalité en devenir, explique-t-il à quelques jours de sa sortie en salle. Une réalité qui s’est à peine créée qu’elle passe à autre chose avec, pour le réalisateur, une impossibilité totale de contrôle sur quoi que ce soit. Alors qu’a-t-on à faire quand on fait du docume