«C’est une histoire d’amour entre deux hommes dans les années 30, avec une forte composante sexuelle», c’est ainsi qu’en septembre le cinéaste Todd Haynes pitchait aux journalistes venus l’interviewer sur son film May December son projet suivant, avec en tête d’affiche Joaquin Phoenix, dont c’était le premier rôle gay. Le film est définitivement mort-né. La star du récent Napoléon de Ridley Scott a décidé de se retirer du projet à cinq jours du début du tournage prévu pour se dérouler à Guadalajara, près de la côte sud-ouest du Mexique. Toute l’équipe technique était déjà sur place, les décors repérés et construits, les rôles secondaires distribués (dont le partenaire principal de Phoenix, l’acteur Danny Ramirez, vu notamment au côté de Tom Cruise dans Top Gun : Maverick). Mais la pièce maîtresse de l’édifice, à savoir Phoenix, et sans que des explications précises n’aient encore fuité dans la presse américaine (c’est IndieWire qui a révélé la défection), a préféré s’extraire du jeu.
Message ulcéré
A la grande stupéfaction et consternation du cinéaste et de sa productrice, Christine Vachon. Cette figure du secteur indépendant américain (elle est la fidèle productrice de Haynes mais aussi de John Waters ou Todd Solondz) a publié un message ulcéré sur ses réseaux : «Et s’il vous plaît, si vous êtes tentés de faire un doigt d’honneur ou de nous réprimander en disant que “c’est ce que vous obtenez en choisissant un acteur hétérosexuel”, ne le faites pas. C’était SON projet et il nous l’a lui-même apporté.» Se décrivant comme extrêmement nerveux à l’approche des tournages, Phoenix avait déjà dérouté en 2008, annonçant mettre un terme à sa carrière pour se lancer dans le rap, faisant de multiples apparitions plus ou moins cohérentes jusqu’à ce que soit révélé qu’il tournait un mockumentaire sous la direction de Casey Affleck, un canular où on le voit dégringoler complètement dans la dope. En réalité, sa carrière se poursuit et gagne encore en importance, enchaînant The Immigrant de James Gray, The Master de Paul Thomas Anderson, Her de Spike Jonze… Le Joker de Todd Phillips, gros succès international, lui permet de décrocher en 2020 l’oscar du meilleur acteur.
Nouveau projet d’adaptation
Joaquin Phoenix, qui a achevé en mai le tournage d’Eddington, le nouveau film d’Ari Aster («un western révisionniste et un film contemporain, avec un pied dans le western et l’autre dans le genre noir», selon le cinéaste, auteur de Midsommar), doit se rendre en septembre à la Mostra de Venise pour accompagner la présentation en avant-première de Joker. Folie à deux de Todd Phillips, avec Lady Gaga. Haynes, de son côté, s’est replié sur un nouveau projet d’adaptation, une série sur le modèle de son magnifique Mildred Pierce, et toujours avec Kate Winslet, intitulé Trust, d’après le roman de Hernán Diaz, l’histoire d’une fortune crescendo au cœur du New York du krach boursier de 1929.