Menu
Libération
Film noir

Julien Paolini, mais que fait la «Karmapolice» ?

Plongée dans le crâne d’un flic hanté, le second long du cinéaste a du charme et de l’idée mais échoue à susciter l’atmosphère trouble à laquelle il aspire.
Un film bardé de références mêlant polar, BD et thriller.
publié le 16 juillet 2024 à 22h23

«He buzzes like a fridge, he’s like a detuned radio» («il grésille comme un frigo, il est comme une radio déréglée»). Dans la chanson de 1997 de Radiohead, le titre Karma Police se référait à l’univers d’Orwell, à la «police de la pensée» de 1984. Il y a dans le deuxième long métrage de Julien Paolini un semblable côté détraqué et bardé de références (polar, série noire et BD, thriller des bas-fonds et mauvais garçons), un essai d’univers mental sous lithium, dans la tête d’un policier déprimé, grésillant comme un néon en fin de vie.

Le genre de film (de genre) auquel on reconnaît sans mal qu’il tente des choses, des figures libres, se risque et se rétame, fait à son idée sans dépasser le bruit de fond de ses belles ambitions. Des feux épars, bizarres, surgissent, des pistes, des décrochages, des hallus en carton-pâte et des vues pittoresques citadines. Karmapolice ou l’histoire d’amour d’un homme et d’un quartier : Angelo et Château-Rouge, à Paris. Membre de la brigade des stups en arrêt maladie après un craquage sur une affaire de crack, Angelo se sent coupable de la mort d’une gamine tox au visage gris, qui hante ses balades d’insomnie à la Goutte d’or.

Rôle potiche

L’inspiration emprunte au Sidney Lumet de Serpico – un fringant Syrus Shahidi reprend de Pacino l’accoutrement cheveux longs, barbe et bob – et à Michael Mann, ses dédales intérieurs sous substances jaune bleu rouge, avec un nuage de Lynch pour l’infusion voyeuse psychédélique. Pourquoi dit-on d’une imitation qu’elle est pâle quand ici elle est couleur locale, pimpant folklore, poésie de trottoir, le Nouvel Hollywood et sa fascination pour les gouffres, les éclopés, l’indétermination du flic et du voyou en ligne de mire. À la petite amie (Karidja Touré), échoit le rôle potiche de partager la couche du héros, le jacuzzi, les amuse-gueule pour les potes et les rêves de bourgeoisie.

Comble pour un film noir, il manque l’atmosphère, l’exsudation moite, un trouble. Le récit est tissé de méandres effilochés, et l’autre «poulet» (Alexis Manenti) personnage de loser en double martyr possible du flic au fond du trou, n’accouche que d’un blanc d’œuf avalé par une camée perdue, soupe à la grimace et curieux délire sur fond de chanson d’Enrico Macias. Que Macias résonne creepy participe au charme clignotant du film.

Karmapolice de Julien Paolini, avec Syrus Shahidi, Alexis Manenti, Karidja Touré… 1h20.