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Libération
Noir et blême

Kaneto Shindô, l’horreur est humaine

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«Kuroneko» et «Onibaba», deux films des années 60 du réalisateur japonais de «l’Ile nue», ressortent au cinéma. Le second, plus marquant, creuse le thème d’une bestialité dictée par la survie mais troublée par les instincts sexuels.
Dans Onibaba (1965) de Kaneto Shindô, deux femmes dures au mal. (Kaneto Shindo/Potemkine)
publié le 28 octobre 2023 à 14h37

Figure majeure du cinéma nippon, auteur d’une avalanche de scénarios dont la plume véloce et audacieuse servira autant les classiques (Kinoshita, Naruse ou celui qu’il tenait pour son maître, Mizoguchi), que les précurseurs de la Nouvelle Vague (Kawashima, Suzuki, Masumura), le cinéma de Kaneto Shindô demeure assez méconnu, sans doute occulté par le succès phénoménal du film qui le propulsa à l’international en 1961, l’Ile nue : poème radical rivé au quotidien austère d’une famille de paysans privés de tout, dont les partis pris formels – esthétique appauvrie, absence de dialogues – furent autant salués que critiqués. Le dénuement, la vie réduite a minima dans un monde brisé et une nature hostile, en réalité traversent toute son œuvre – et il n’est sans doute pas inutile de rappeler que Shindô, décédé en 2012 à l’âge vénérable de 100 ans, était né à Hiroshima, ville anéantie par la bombe atomique, dont il scrutera les décombres dans son film les Enfants d’Hiroshima (1952).

Que reste-t-il de l’homme quand toute trace d’humanité a disparu ? Qu’est-ce qui le tient à distance ou le rapproche de l’animalité, bestiale ou monstrueuse, quand il n’a pour seul horizon que sa survie au jour le jour ? Comment composer avec le désastre ? Malgré ce sous-texte philosophique en barre de tâche, pas le moindre didactisme lénifiant dans le saisissant Onibaba (196