Ainsi donc, au crépuscule de sa vie, tel un vieux sorcier tenant au bout de ses doigts les secrets et faisceaux de sa maestria, de sa virtuosité d’ordonnateur de spectacle total, Martin Scorsese aura choisi de composer ce film terrible sur la faute originelle des Etats-Unis. Comme si, regardant en arrière vers ses décennies de cinéma, n’ayant plus rien à prouver, le cinéaste s’était retrouvé travaillé par un manque, un angle mort dans sa filmographie, le massacre des populations autochtones sur lequel s’est construit ce pays. Comme une dette dont il aurait voulu s’acquitter, lui, le cinéaste de l’éventuelle rédemption, à laquelle il offrirait à tout le moins la pleine puissance de ses moyens. Vivre avec la culpabilité, et qu’en faire ? Prendre la parole, au dernier mouvement de son film, au dernier moment de sa vie, pour, lors d’un instant terrassant, offrir un sobre tombeau à ceux qui ont péri par la faute des colons, à Mollie Kyle, l’autochtone osage, et à tous les siens, à tous les autres, alors qu’essuyant une larme, chaque spectateur, attrapé par le col et jeté dans ce torrent de venin, serait sommé de jeter «un regard sérieux sur ce que nous sommes, en tant que culture», selon le souhait du cinéaste. Killers of the Flower Moon, bel anti-western scorsesien, premier flirt avec le
Anti-western
«Killers of the Flower Moon» de Martin Scorsese, les proies du pétrole
Article réservé aux abonnés
Lily Gladstone, Robert De Niro et Leonardo DiCaprio dans «Killers of the Flower Moon». (Melinda Sue Gordon/Courtesy of Apple)
publié le 17 octobre 2023 à 14h37
Dans la même rubrique