Le drame d’époque et l’histoire des têtes couronnées danoises avaient déjà placé en 2012 Nikolaj Arcel sur la scène internationale, avec l’académique Royal Affair. Après un détour américain courtoisement ignoré dans la SF au mètre (la Tour sombre), le voilà de retour – quoiqu’aux contreforts de la royauté, dans un récit d’inspiration historique sur un pionnier du XVIIIe siècle, Ludvig Kahlen. Officier d’extraction roturière, celui-ci consacre sa retraite militaire au projet fou d’exploiter la terre du Jutland, la grande étendue de bruyère du pays intérieur, lande sauvage réputée stérile, sporadiquement peuplée de Tsiganes et de nobliaux. Sa colonisation agraire est un rêve du roi Frédéric V ; en l’exauçant, Kahlen espère être anobli.
Dualité flemmarde
Le baronnet du coin sert d’antagoniste principal : une caricature à peine décongelée de châtelain cruel et excentrique, opposée au visage de pierre, à la froideur burnée et au sens de l’honneur de Mads Mikkelsen. Dualité flemmarde entre l’indéfectible queerness des supervilains et la gravité mutique des patriarches, déjà vue mille fois, comme à peu près tous les tropes dont est cousue cette visite guidée du cinéma historique tel qu’on aime à se le figurer dans les bureaux des directeurs de programmes du vieux monde : l’amour impossible et le bal emperruqué, les confessions de carrosse et le journal sur parchemin, le fidèle ami moine et les colchiques dans les prés. King’s Land, reconnaissons-le, demeure habité par une sourde tension, régulièrement tenté par l’irruption d’une cruauté réaliste, d’une désobéissance à son propre programme ; mais le corsetage néoclassique revient toujours serrer ses nœuds.
Après le Comte, Ferrari, The Killer, Maestro, Lubo et Adagio, c’est le septième (!) film en compétition lors de la dernière Mostra à atterrir sur une plateforme, en l’occurrence celle de Canal +. Ce que l’on redoutait au sortir du Covid des blockbusters hollywoodiens devient plutôt l’apanage d’un certain train-train de l’exploitation art et essai : il est des films si vains, si reconditionnés, si formatés qu’ils sont mieux à leur aise dans les rayonnages de genre d’un catalogue de vidéos à la demande que sous l’exposition dangereuse d’une sortie en salles. Les petits écrans étant dorénavant occupés par un filet ininterrompu d’infos éructantes, le navet somnifère du dimanche aprem n’existe plus vraiment, sinon dans les expressions obsolètes des natifs d’avant 2000 ; le voilà ressuscité dans des espaces taillés pour lui. Le téléfilm est mort, vive le téléfilm !