Le réalisateur Gilles Perret était tout désigné pour filmer le fonctionnement de la ferme de la famille Bertrand dans la vallée du Giffre en Haute-Savoie puisque ce sont ses voisins. Lorsqu’il s’attelle à ce travail de proximité, nous sommes en 1997, l’exploitation agricole et laitière est tenue depuis les années 70 par les trois frères Joseph, André et Jean, qui ont traversé en célibataires le tunnel de l’exode rural, endossant le rôle paysan comme on sauve une entreprise qui sinon va péricliter ou être cédée. Le bilan de cette vie d’astreinte, sans vacance, entièrement consacrée au «boulot» et aux «bêtes» est examiné ici à l’aune de la modernité. L’arrivée de nouvelles machines pour traire, suivre les vaches, le savoir agronomique, libère (un peu) des astreintes d’une tâche qui requiert quand même une traite quotidienne (on est en zone AOC Reblochon).

A travers ce qui change et ne bouge pas sur trois générations, le film expose les raisons du mal-être agricole dont les actions syndicales en cours témoignent d’une manière spectaculaire tant y convergent tous les territoires et les types d’entreprises rurales concernées. Le sentiment d’une adversité mal récompensée, d’une charge vivrière dont la noblesse s’est comme perdue dans l’imaginaire collectif mais aussi la nécessité d’être constamment sur la brèche pour faire face aux impératifs des normes et aux aléas du réchauffement climatique. La forme n’est pas révolutionnaire mais la continuité du regard sur plusieurs années per