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«La Mer au loin», sur du bon raï

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Suivant le parcours d’un Marocain clandestin à Marseille dans les années 1990, Saïd Hamich Benlarbi filme la fête, l’amour et le temps qui passe, pour en faire un magnifique roman de l’exil.
Ayoub Gretaa et Sarah Henochsberg dans «la Mer au loin». (The Jokers Films)
publié le 4 février 2025 à 16h28

Soudain, au bout du film, un dialogue vient ramasser toute l’émotion et laisse une crampe au cœur. Il a lieu entre deux vieux copains, frères d’exil depuis dix années que l’on vient de passer avec eux. «Au moins, on aura dansé. On aura chanté, rigolé.» C’est l’heure de la pause, au milieu d’une journée de travail passée la tête baissée, le dos cassé pour le plus âgé des deux, ouvrier agricole, qui aime se dire qu’il a tout possédé un jour, peut-être sans s’en rendre compte. L’amour, la jeunesse, la fête, l’amitié. N’Direk Amour, le chant de Cheb Nasro qui suit, avec les riffs qui pleurent alors que Nour et Houcine sourient, bouleverse sans prévenir. C’est cet air que l’on a l’impression de connaître par cœur le jour où on l’entend pour la première fois, qui semble parler d’eux autant que de nous et de tous ceux qui l’écouteront. Saïd Hamich Benlarbi pourrait avoir écrit la Mer au loin rien que pour traduire l’effet que fait cette musique-là.

Vie de marginalité et de camaraderie

C’est gai ou c’est triste, on ne sait plus, puisque le film, coulé dans cette bande-son raï des années 1990, a la mélancolie au corps. Roman exemplaire de l’intégration, bof ; œuvre du souvenir et chronique vitale, oui. Fraternelle, même, qui n’a rien à prouver ni à militer. Le cinéma d’auteur français à sa place, avec plus de souvenirs que s’il avait mille ans, de l’Education sentimentale à Kechiche.

Jeune Marocain sans papiers arrivé d’Oujda à Marseille – boucle d’oreille canaille, jeunesse de pâtre à bouclett