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Ressortie

«La Noire de…» d’Ousmane Sembène, de vive voix

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Le film majeur d’Ousmane Sembène sur la tragédie d’une domestique sénégalaise employée par des Français ressort en salles, dans un climat où plusieurs œuvres subissent les campagnes de dénigrement de l’extrême droite.
Sculpté dans la lumière, aveuglant de simplicité et sa Côte d’Azur en noir et blanc, «la Noire de…» est pensé pour édifier le plus grand nombre. (Les Acacias)
publié le 9 octobre 2024 à 7h20

Un film pionnier doit toujours soigner son entrée. La règle veut aussi qu’il arrive comme un boulet de canon. Il y a presque soixante ans, le premier long métrage d’Ousmane Sembène, référence majuscule et fondatrice pour le cinéma africain, a fait les deux. Peu de chances d’oublier la première impression laissée par la Noire de… (prix Jean-Vigo, 1966). Dans le rôle d’une domestique sénégalaise qui rejoint ses patrons en France, Mbissine Thérèse Diop entre dans le cinéma comme on entre sur un podium, look d’icône sixties, apparition chic sur escarpins sortant d’une voiture – on lui ouvre la porte comme à une invitée de marque. «C’est beau, la France !» lui dit «Monsieur» (on ne lui connaîtra pas d’autre nom) en la conduisant dans son foyer bourgeois d’Antibes. L’avis de cette subalterne lui importe peu, ou à peine plus qu’à «Madame», maîtresse de maison tyrannique, qui ne tarde pas à montrer à la nouvelle bonne de quel bois se chauffe sa discipline. Sculpté dans la lumière, aveuglant de simplicité avec ses personnages de monstres et sa Côte d’Azur en noir et blanc, la Noire de… est pensé pour édifier le plus grand nombre. A l’image, Diouana encaisse les humiliations sans broncher. Elle troque ses belles toilettes contre un tablier, astique l’appartement du matin au soir, cuisine pour des convives qui se répandent en vulgarités