On ne se lasse pas de l’écrire, Hafsia Herzi est l’une des plus grandes comédiennes actuelles du cinéma français, révélée inconnue à 17 ans par Abdellatif Kechiche dans la Graine et le Mulet. Aujourd’hui cinéaste accomplie, et signant son troisième long métrage, elle révèle à son tour une inconnue dans un premier rôle, Nadia Melliti, 23 ans, étudiante pour devenir prof d’EPS. Quelque chose se joue dans cette permutation et transmission des rôles, entre l’ancienne débutante et la nouvelle venue, une force de l’évidence. Jusqu’à la vision qu’elles offrent à la une de Libération, à trois au côté de l’actrice Park Ji-Min, autre espoir du cinéma français, révélée par Davy Chou en 2022 dans Retour à Séoul. Vive elles, et celles qui viendront, surtout pas «jeunes premières» comme on aurait dit à l’époque.
Avec la Petite Dernière, tiré du roman autobiographique de Fatima Daas, elles écrivent une histoire du cinéma d’aujourd’hui, celui qu’on dit «social» par noblesse plutôt que par stigmate. Du réalisme oui, pris comme une aventure, dans les pas d’une héroïne (et de son interprète de rêve, justement récompensée à Cannes) qui nous scotche par son endurance, son mystère mat, sa hauteur. Cela demandait du courage. C’est le récit d’apprentissage d’une jeune femme musulmane qui aime les femmes, et qui n’a aucun diagnostic à fournir, rien à démontrer sur la banlieue, l’homosexualité, ou l’islam. Pas née de la dernière pluie, la petite dernière met en échec les doctrinaires, tous les crispés de l’identité qui trouveront à s’étrangler. Laissons-les. «Le personnage principal est un fantôme de la société», dit Hafsia Herzi à propos de sa Fatima de cinéma. De ces existences négligées du grand écran, absentes du premier plan, à qui l’on doit des films. En voici un, solaire, à ciel ouvert, une fiction sentimentale et solidaire sur une jeunesse française. Pour la désolation, il faudra aller voir ailleurs.