Il est des êtres et des créatures fabuleuses, des humains et des sirènes, qui ne gravitent ni dans le milieu du cinéma ni à Paris, car leur monde est ailleurs, à la marge, sur un littoral, là où l’eau et les larmes ont un goût de sel, les chimères des queues de poisson. On y pêche, on y pécho, entre mecs au pied marin. On est à Dieppe et, par le ferry, on se produit à Brighton, d’un cabaret transformiste à l’autre.
La Sirène à barbe est le nom de ce vrai cabaret, cœur battant et chantant du film et de la ville, Dieppe à paillettes, perruques et faux cils, drag-queens sentimentales aux numéros outrageux, cul queer et fleur bleue, scène minuscule et flots de lumière comme Chez Michou. Le film est fait par et pour eux, ces artistes de burlesque (Nicolas Bellenchombre, le coréalisateur, est aussi le patron du lieu), masques fardés ou visages démaquillés, qui arpentent la grève en drague de nuit ou bien en drag, montés sur boots plateformes, les pavés fatigués du dernier show. L’histoire tient à un fil. Un fil de voix. Au fil des chansons. Priment les portraits des reines de la nuit attachantes : Sweety (Maxime Sartori), Beluga (Fabrice Morio), Alonso (Alonso Ojeda), Erwan (Victor Grillot), Lily (Aurélie Decaux), Odette (Elodie Lunoir). Il faut les citer chacun chacune, puisque c’est un film musical à l’esprit de troupe.
Un monde à part mais peu étanche
Dans cet opéra de deux sous, nos sirènes et marlous se souviennent du cinéma homo-portuaire des Jacques Demy (le Rochefort des Demoiselles, le Nantes