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Secret

«L’air de la mer rend libre», vive les marris

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A travers l’histoire d’un mariage arrangé dans la France d’aujourd’hui, Nadir Moknèche dresse le portrait intime d’enfants de l’immigration tenaillés entre leurs désirs et la tradition.
Les nouveaux époux, pétrifiés et complices dans le malaise. (Pyramide Distribution)
publié le 3 octobre 2023 à 23h18

Le titre du film est beau, les mariés aussi, bien qu’ils tirent des tronches d’enterrement. Sous la pression de sa famille, Saïd, fils de bouchers, arabe et homosexuel dans le placard, a consenti à épouser Hadjira, pécheresse repentie, entrée dans la religion après une idylle scandaleuse avec un dealer. Nous sommes en France de nos jours, auprès de deux jeunes gens modernes que la tradition a néanmoins rattrapé. Un mariage arrangé, voilà qui est censé arranger tout le monde – les parents se réjouissent de caser leurs enfants incasables, les enfants s’achètent la paix une bonne fois pour toutes, sur la terre comme au ciel. Les nouveaux époux font connaissance sur la banquette d’une mairie de quartier, pétrifiés par ce qui les attend, complices dans le malaise sous le regard humide de leurs proches. Ils sont résignés, ils sont foutus.

Honte et solitude

Filmant leur quotidien domestique encombré par le secret, Nadir Moknèche y extrait un récit moins flamboyant qu’un mélodrame pur sucre, plus subtil qu’un diagnostic social qui userait et abuserait d’airs austères. Dès la scène d’exposition, qui repose sur une bonne part de suggestions, le cinéaste prend soin de s’affranchir de tout ce qui rendrait les situations trop évidentes ou monolithiques. A défaut d’être des âmes sœurs, les personnages seront amis. Des fugues nocturnes du jeune marié, qui rejoint chaque soir un nouveau plan Grindr, à l’isolement affectif de son épouse, qui désespère de tomber enceinte, c’est un même frémissement de honte et