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Libération
Critique

«Le Système Victoria» de Sylvain Desclous : roucouler dans le béton

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D’une passion entre deux êtres contraires, le cinéaste tire une film charnel et surprenant sur fond de tensions dans le milieu de la construction.
Une liaison très singulière se noue entre deux inconnus a priori à des années-lumière l’un de l’autre. ( Cinefrance Studios - Madison Fi)
publié le 4 mars 2025 à 14h26

Victoria est une winneuse. DRH pleine d’audace ultralibérale dans une multinationale, elle exhale d’assurance et d’optimisme quant au futur du monde, de son monde, celui des riches et des puissants. David est un loser. Coincé dans la zone médiane de notre société, cet architecte passé à côté de la gloire, œuvre comme directeur de travaux d’une société de construction avec, à sa charge, l’édification dans des délais insensés d’une tour de bureau à l’obsolescence programmée à la Défense. Au moment où il envisage de jeter l’éponge, David rencontre Victoria.

Une liaison très singulière se noue entre ces deux inconnus a priori à des années-lumière l’un de l’autre – il passe ses journées sous pression et sur un chantier bruyant, à régler des problèmes matériels et concrets, pendant qu’elle exerce son pouvoir depuis des tableaux Excel, dans des bureaux feutrés. Sexuelle, intensément, mais aussi amicale, gorgée de bons sentiments, Victoria se piquant, en tout altruisme – apparemment – d’exhorter David à ne rien lâcher de sa tour, pour sa carrière et son propre intérêt. Mais le système qui se met en place entre les deux, alors que de mystérieux voyous tentent d’intimider David pour qu’il ralentisse la cadence des travaux, révèle peu à peu son ampleur. Le cul entre Victoria et David est bien sûr lié, inextricablement, au business et au bâtiment.

Du roman éponyme d’Eric Reinhardt, tentative de coupe latérale, post houellebecquienne, de la France à l’ère du libéralisme sans bornes, Sylvai