C’est un film talisman, un diamant noir, le totem incandescent d’un art confronté à sa propre limite : donner à voir ce que la censure empêche et occulte – la sexualité en fusion et ses pénétrations non simulées, le sexe comme vecteur de révolte –, mais aussi ce que le regard peine à soutenir, ou ce qui lui échappe, en dépit de ce qu’il voit : la jouissance aux confins de la folie, l’amour à mort, la prose de la chair pour les uns, le sacré, pour les autres, et quoi qu’il en soit l’infilmable.
Peu d’œuvres sont aussi rétives que l’Empire des sens de Nagisa Ôshima. Commenté à l’envi depuis sa scandaleuse et triomphale projection à Cannes en 1976 et le procès pour obscénité dont le cinéaste sera frappé dans son pays – le film à ce jour, n’a pu y être montré qu’avec les sexes floutés et la pilosité cachée –, son mystère demeure intact, point aveugle au cœur de la cinéphilie, qu’on échoue à déflorer sans céder à l’effusion.
Né de la rencontre d’un cinéaste japonais, Ôshima, chantre d’une modernité turbulente et contestataire, et d’un producteur français audacieux, Anatole Dauman (auquel on doit des projets aussi divers que la Jetée de Chris Marker, Hiroshima mon amour de Resnais, Mouchette de Bresson), l’Empi