C’est d’abord une longue séquence – 25 minutes – dans un tribunal. Blanc, immaculé, tout en angles saillants. On se croirait dans THX 1138 ou à l’intérieur d’un congélateur. Même les avocats semblent débarquer d’une planète froide et lointaine. Nous sommes au palais de justice de Montréal, où va se dérouler, pendant plusieurs semaines, le procès hypermédiatisé du «Démon de Rosemont», type blafard suspecté d’être le bourreau de trois jeunes filles torturées et tuées devant une caméra et dont les vidéos ont été diffusées dans des red rooms (les «chambres rouges» du titre), zones profondes du web où des amateurs de violence extrême payent des fortunes en crypto-monnaie pour assister à ce type de spectacle, abject et exclusif. Mais lorsque le procureur s’adresse aux jurés, son regard dévie à peine de l’axe de la caméra : il s’adresse également au spectateur. Immédiatement enrôlé dans le dispositif, pour s’intéresser à un cas annexe. Celui de Kelly-Anne et Clémentine, deux jeunes femmes qui assistent au procès et sont là pour une raison qui leur vaut animosité, mépris et incompréhension : elles développent toutes deux pour le suspect une dévorante obsession.
Dark web
Dès lors, tout se divise en deux. On cherche à la fois à savoir si le «Démon de Rosemont» est réellement coupable (les preuves manquent) et pourquoi Kelly-Anne et Clémentine sont là chaque matin, à la première heure, dormant à même le sol, dans le froid, au fond d’une ruelle adjacente, pour ne pas rater l’ouvertu