Une femme et un homme dans la demi-pénombre accablante d’un après-midi sont allongés, endormis sur le sol. On voit aussitôt que les deux corps sont mal assortis, la proximité du couple ne colle pas avec une conjugalité : elle, corpulente et voluptueuse dans sa sieste, d’un certain âge, repose sur le dos, lui sur le ventre, peau cuivrée, jeune et cintré dans son slip. La lumière est très belle. Dès ce premier plan, tout les Damnés ne pleurent pas s’invite. La femme, Fatima-Zahra, est la mère de Salim, 17 ans. Ce sont ces deux corps, deux existences psychologiques, que la fiction, qui les malmènera beaucoup, veut éclaircir à la beauté de cette lumière, de sa douceur et de ses coloris (l’une des plus belles qu’ait signée Caroline Champetier), dans un principe de dévoilements successifs.
Amour impossible et honte réciproque
Fatima-Zahra et Salim sont condamnés à vivre l’un avec l’autre et à se soutenir (matériellement, moralement), tantôt cherchant à s’extirper de leur relation fusionnelle, à gagner «une vie à soi» (elle auprès d’un homme marié qui la respecte enfin, lui auprès d’un Français gay qui l’engage dans son hôtel), tantôt s’abandonnant corps et biens à leur «damnation» – de se heurter sans cesse l’un à l’autre, serments d’amour associés à une dissimulation mutuelle. Sans domicile fixe, ils errent sur ce territoire du Maroc solaire et nocturne, citadin, rural et changeant, ballottés dans ce pays qui les juge, les repousse ou les tolère. On ne sait si c’est la vie qui s’acharne ou si ces deux réprouvé