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Libération
Critique

«Les Lueurs d’Aden», torpeur au ventre

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Avec droiture et sobriété, ce rare film yéménite témoigne de la difficulté d’un couple dont la femme cherche à avorter, dans un pays qui l’interdit.
Il y a dans «les Lueurs d’Aden» un désir très clair de filmer la ville pour donner d’elle, à ses habitants et au reste du monde, des images qui se font rares, manquent. (Paname Distribution)
publié le 31 janvier 2024 à 3h15

On ne voit pas souvent de films yéménites : les Lueurs d’Aden est le premier film de fiction d’un cinéaste de ce pays à être distribué en France. Amr Gamal, son auteur, né en 1983, déclare : «Nous sommes les seuls à faire de l’art à Aden» – lui et sa troupe de théâtre qui jouent dans une ville sans théâtres, lui et son équipe de cinéma qui tournent dans une ville sans cinémas, sur le fond de la guerre civile. Ils montrent leur travail dans d’autres lieux, où les gens d’Aden viennent en nombre. Il y a dans les Lueurs d’Aden un désir très clair de filmer la ville pour donner d’elle, à ses habitants et au reste du monde, des images qui se font rares, manquent. Ce sont tous ces plans larges très droits et très beaux qui s’en chargent, arpentant et captant les espaces urbains, et qui étendent et refilent leur avidité documentaire, leur regard grand ouvert à angle droit, à la mise en scène de la destinée des personnages – un geste de contamination et d’articulation des échelles que l’histoire du cinéma a appelé «néoréaliste», et qui est devenu néoclassique mais garde encore une certaine énergie politique.

Alors qu’Isra’a (Abeer Mohammed) et son mari Ahmed (Khaled Hamdan), licencié sans solde d’Aden TV, télé publique coupée par la guerre, peinent à survivre avec leurs trois enfants, elle tombe enceinte et cherche à avorter, dans un contexte qui l’interdit et le réprouve, légalement, religieusement, mais surtout – c’est le sujet du film – moralement, c’est-à-dir