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Hommage

Lionel Baier, cinéaste : «Michel Blanc était un lord que le public avait anobli films après films»

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Le cinéaste suisse termine actuellement la post-production de «la Cache», adapté du roman de Christophe Boltanski, dernier rôle de Michel Blanc mort jeudi. Pour «Libération», il a accepté d’écrire ce texte en apprenant la nouvelle de sa disparation.
Michel Blanc, à Paris, le 20 juin 2006. (Edouard Caupeil/Edouard Caupeil / Pasco&co)
par Lionel Baier, cinéaste
publié le 4 octobre 2024 à 19h49

«Nous ne sommes jamais passés au tutoiement d’usage dans le cinéma. Je lui disais “quand vous voulez Michel” et lui voulait bien être un “il”, surtout pas un “je”. Parfois, un “tu” lui échappait au milieu d’une série de questions ou de remarques, que je balayais bien vite et sans malice par un “comme vous voulez, Michel”. Alors que nous dînions un soir, je m’en ouvrais à lui, expliquant que ce vouvoiement n’était pour ma part que l’expression de ma profonde admiration. Il comprenait Monsieur Hire, Tenue de soirée, l’Exercice de l’Etat. Oui, aussi, bien sûr. Mais je pensais surtout à Jean-Claude Dusse des Bronzés, ou au Denis de Marche à l’ombre. Parce qu’il faut être un très grand acteur pour rire, et non faire rire, avec des personnages de faibles, de lâches ; ces Français d’en bas moqués par toutes et tous. Par nous, les gens de cinéma qui tutoyons. Il faut voir comme nous leur parlons dans nos comédies. Ce n’est pas du “tu” que nous leur donnons, mais du “ça”. Du ça dont on ricane, qui fait souffrir sous prétexte de divertir. Michel Blanc craignait la douleur et la facilité. Jean-Claude Dusse n’est jamais ridicule. Ce sont les situations dans lesquels il se retrouve coincé qui le sont. Il n’en est que la victime. Victime de l’amour, du sexe,