Décédée en janvier dernier à l’âge de 93 ans, Cecilia Mangini fut la première femme documentariste en Italie. Son œuvre puissante, à la fois politique et poétique, fut toutefois difficile à voir, du fait de la censure ou de l’oubli. Aussi est-ce un beau cadeau que fait la jeune plateforme de streaming Another Screen – émanation de la revue féministe de cinéma Another Gaze – en partageant librement (et en sous-titrant) huit de ses films, jusqu’au 22 mars.
Accompagné d’un long texte, cet hommage comprend les classiques de la filmographie de Mangini, de Stendalì - Suonano ancora (1960), court-métrage sauvant du néant un antique rituel funéraire des Pouilles sur un commentaire de Pier Paolo Pasolini, à l’essai féministe Essere donne (1965). Mais il propose aussi des films (encore) plus confidentiels. Ainsi le sidérant Divino amore (1963) donnant à voir, sur une bande-son entièrement dévolue à la musique d’Egisto Macchi, une procession nocturne dans le cadre d’un culte catholique né après la Seconde Guerre mondiale. Ou le diptyque Brindisi’65 et Tommaso, traitant de l’installation d’un immense complexe pétrochimique à Brindisi, ville de la côte Adriatique où jusque-là la richesse se mesurait en baril d’huile d’olive. Autant de témoignages importants sur l’Italie de la seconde moitié du XXe siècle dont Mangini aura su, comme nulle autre, filmer les marges et les angles morts.