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Libération
Critique

«Made in Hongkong», l’amer et la violence

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Fruit Chan brossait, dans un film de 1997 qui ressort en DVD, un portrait politique d’une jeunesse hongkongaise en crise existentielle.
«Made in Hong Kong», de Fruit Chan. (© 1997 NICETOP INDEPENDENT LIMITED. Tous droits réservés.)
publié le 8 mars 2021 à 20h19

On a beau chercher, on ne la voit jamais. Dans Made in Hongkong, la ligne d’horizon, limite poreuse entre le ciel et la terre, n’est jamais clairement dessinée, quand elle n’est pas tout à fait absente. Grillages obturant le plan, jungle urbaine quadrillée d’immeubles vétustes, pièces exiguës saturées de couleurs sales, couloirs sombres traversés au pas de course, corps sans ancrage se découpant sur des ciels poisseux ou bleutés, sans profondeur ni de point de fuite. Aucune perspective…

S’en tiendrait-on à ce seul parti pris plastique qu’on en saisirait déjà la portée politique : point d’horizon pour la jeunesse livrée au chaos et à la violence, dont Fruit Chan, second couteau de la Nouvelle Vague hongkongaise, brossait un portrait explosif et désenchanté dans ce film sorti en 1997, peu avant la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine. Si l’inquiète noirceur et la mélancolie existentielle qui traversent le film reflétaient en filigrane l’angoisse que l’imminente annexion soulevait dans la population, tout son prix revient à la grâce débraillée et à l’énergie malade dont il déborde à chaque plan, embrassant d’un même mouvement la pyrotechnie virtuose du cinéma d’action local et la fraîcheur balbutiante d’un film en prise directe sur une âpre réalité.

Répétition des motifs

Tourné à l’économie avec des chutes de pellicules récupérées à droite à gauche, Made in Hongkong, enfin disponible dans une superbe copie restaurée, dépeint le quotidien d’une jeunesse en sursis. Pet