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Libération
Critique

«Mambar Pierrette» de Rosine Mbakam, haute couturière

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Dans un remarquable premier long métrage de fiction à la croisée du portrait documentaire et du récit d’aventure, Rosine Mbakam donne à voir le quotidien infernal de sa cousine couturière au Cameroun.
Pierrette élève seule ses deux enfants à Douala, capitale économique du Cameroun. (Tândor Productions)
publié le 31 janvier 2024 à 7h23

A côté des journées de Pierrette, les galères de Laure Calamy dans A plein temps ressemblent à un parcours de santé. Couturière dans son petit atelier de Douala, capitale économique du Cameroun, Pierrette élève seule ses deux enfants, s’occupe de sa mère malade et enchaine les tenues à confectionner en vue de la rentrée scolaire, tout en tenant tête aux mauvaises payeuses. Premier long métrage de fiction de Rosine Mbakam, qui a fait ses classes en Belgique avant de revenir filmer parmi les siens, Mambar Pierrette se tient en équilibre entre le portrait documentaire – Pierrette est jouée par la cousine de la réalisatrice, elle-même couturière – et le récit d’aventure. Celui-ci consiste pour Pierrette à tenter de joindre les deux bouts alors que toute sa recette lui a été volée et que des pluies diluviennes inondent sa fragile habitation.

La beauté du film réside dans la placidité pugnace que Pierrette oppose aux événements, continuant sans infléchir ni son rythme, ni sa gestuelle précise et patiente qui fonctionne comme une solution à tout ce qui se détraque autour d’elle. Les coups du sort sont avalés comme des kilomètres sur la route de sa journée, et le retour à l’atelier vaut apaisement autant pour elle que pour le spectateur, qui se ressource à la voir sans coup férir donner forme aux étoffes. La cinéaste s’inscrit dans le sillon d’une mise en scène dardennienne (cette fameuse caméra à l’épaule vissée au personnage) avec ce que cela comporte de potentiels cl