Coproduit par les frères Dardenne et le Brésilien Walter Salles (Je suis toujours là), le premier long métrage de fiction de la Brésilienne Marianna Brennand avait à l’origine été pensé comme un documentaire, lorsque la cinéaste a découvert l’étendue de la prédation sexuelle s’exerçant sur les jeunes filles du río Japura au Brésil. Comprenant rapidement qu’il serait difficile de faire parler ces gamines de la prostitution et des pratiques incestueuses dont elles étaient victimes, surtout face caméra, elle a imaginé le personnage de Tielle, 13 ans, vaillante petite héroïne de Manas, prise au piège entre un père qui l’attire dans son lit sitôt sa puberté atteinte et une mère l’encourageant à faire des passes sur les barges sillonnant la rivière. Le premier plan du film la dévoile au travers de l’encadrement d’une fenêtre, et les élégants mouvements de caméra la saisiront sans cesse encerclée par tout un tas de choses, étouffante forêt amazonienne, enchevêtrements de corps (parents, frère, sœur, camarades de classe…) et filmée au plus près, le film suspendu au moindre soupir qui la menacerait.
Bain de normalité contre-nature
Manas (le titre veut dire «sœurs» en argot portugais) s’emploie à montrer la logique de fait accompli et le bain de normalité contre-nature dans lequel évolue la gamine, dont on constate l’apprent