«Marilú, est-ce qu’on peut dire qu’on est acteur quand on ne travaille plus ? — Oui. Etre acteur, c’est devenir un autre en restant toi-même.» Admirable combien la réplique de Marilú Marini ne répond pas du tout à la question de Sandrine Dumas (derrière la caméra). Ou bien alors, si elle y répond, c’est dans la façon d’envisager ne rien faire (de soi) tout en demeurant en action et en métamorphose, donc actrice. Ne rien faire : femme assise, «clownesse» (le mot est de Marini, l’accent latin) aux grimaces immobiles, danseuse clouée par une crise arthritique, Winnie à demi ensevelie dans Oh les beaux jours ! de Beckett, Maman Kusters attablée en tablier à sa cuisine telle une Jeanne Dielman allemande et accablée par le deuil, chez Fassbinder. Comme si être actrice consistait, entre deux acrobaties, à travailler à se laisser traverser sans broncher, y compris par des questions auxquelles on répond à côté, ou de travers.
Diva discrète et fardée
Dans ce hiatus et autres paradoxes, Marilú Marini travaille en cours de portrait à ne rien faire, ou à sembler ne rien faire : l’attente, les pauses des répétitions, les essais cosmétiques, l’observation de lynx silencieuse, un certain stoïcisme (face à un corps de douleurs) sont précisément les éléments les plus prégnants et les plus émouvants du film d’une actrice au chômage sur une actrice laborieuse qui se prête au portrait, aux antipodes des cruautés rivales entre générations à la All About Eve, porté d’un même élan par l’a