C’est le choc en Croatie. Le réalisateur Dalibor Matanic a mis en ligne vendredi 5 avril une publication Facebook dans laquelle il reconnaît avoir agressé sexuellement plusieurs femmes. Le réalisateur de la série The Last Socialist Artefact y souligne avoir «déjà personnellement présenté [s] es excuses à certaines femmes et leur [avoir] demandé pardon», et s’engage à travailler sur lui-même «pour que de tels comportements et actions ne se reproduisent plus jamais». Les aveux ont été mis en ligne après la publication de plusieurs articles de presse, qui font état d’environ 200 femmes victimes. Aucune plainte n’a été déposée pour l’instant, a précisé la police croate.
Sur Facebook, le réalisateur garantit pourtant avoir toujours pris soin de créer sur ses plateaux une atmosphère propice au travail – «c’est pour cela que la plupart des acteurs aiment travailler avec moi, parce que je ne permets aucun harcèlement». Le post, depuis supprimé, tout comme le profil du réalisateur, a été reproduit dans son intégralité dans le quotidien croate Vecernji List.
Cependant, il reconnaît avoir eu des «actes inappropriés» envers certaines femmes. «Je n’avais pas conscience de ma mauvaise approche envers mes collègues en dehors du plateau», a-t-il écrit. Les enquêtes publiées dans les médias croates font état de gestes et d’invitations déplacées et d’envoi de photos et de messages à caractère sexuel. «Il pourrait s’agir d’actes criminels», souligne la police croate.
Des actes «sous l’influence de l’alcool et des drogues»
Dans un article publié le samedi 6 avril, le même journal lui reproche d’avoir essayé de minimiser les dégâts faits à son image via cette publication, invisibilisant ainsi les témoignages des femmes qu’il aurait agressées. La journaliste Tia Špero y dénonce également la vague de réponses positives et encourageantes qui s’est propagée sous la publication du réalisateur : «c’est humain de se tromper» et «bravo, Dado», pouvait-on lire dans les commentaires sous le post, selon elle.
Dans la seconde partie de son texte, Dalibor Matanic explique suivre une cure de désintoxication. «Tout ça a eu lieu à des moments où j’étais sous l’influence de l’alcool ou de drogues. Notre travail est terriblement stressant – mais cela ne justifie certainement pas mon comportement.» Le ministre croate de l’Intérieur, Davor Bozinovic, a annoncé l’ouverture d’une enquête, ce qu’a confirmé Antonio Gerovac, le responsable de la police croate.
Déluge de réactions
Alors que le sujet de la violence et les agressions sexuelles ont longtemps été considérés comme des sujets tabous dans les Balkans, où les valeurs patriarcales restent ancrées dans certaines parties de la région, la publication de Dalibor Matanic a provoqué un déluge de réactions en Croatie. Sanja Sarnavka, militante des droits de la femme, a commenté : «c’est un choc terrible, car il se présentait comme un allié». Une réponse à laquelle se joint Ida Prester, chanteuse et journaliste de télévision qui avait partagé avec lui en octobre 2023 la Une du magazine Gloria consacrée à la lutte contre «la violence faites aux femmes». «Il a toujours condamné les prédateurs sexuels et a soutenu le mouvement #metoo. […] Cela aggrave encore les choses», a-t-elle commenté selon le Jutarnji List.
Le film le plus célèbre à l’étranger de Matanic, Soleil de plomb, avait été sélectionné au festival de Cannes en 2015, remportant le prix du jury Un certain regard. Dans les jours qui ont suivi son post Facebook, la totalité de ses contrats ont été annulés, a rapporté le quotidien croate Jutarnji List. Il avait déjà annoncé se retirer de la vie publique dans son texte publié sur les réseaux sociaux.
Mise à jour le 9 avril à 11 heures 30, avec ajout du nombre de victimes et de plaintes, ainsi que les déclarations de la police croate.