De Jean-Luc Godard à Roman Polanski en passant par Bertrand Tavernier ou encore Jacques Doillon, l’homme a permis aux plus grands réalisateurs de tourner. Agé de 72 ans, le producteur aux deux cents longs-métrages est aujourd’hui le sujet principal d’une enquête publiée par le magazine Elle ce lundi 13 mai. Les journalistes ont pu recueillir neuf témoignages d’actrices ou d’aspirantes actrices, dont certaines étaient mineures à l’époque. Elles font état d’agressions sexuelles, de chantage ou de harcèlement visant celui qui a notamment produit le Pianiste et le Locataire de Roman Polanski ou encore Mulholland Drive de David Lynch.
L’enquête débute par le témoignage de l’actrice Annelise Hesme. En 2001, alors âgée de 24 ans, elle rencontre Alain Sarde dans les locaux de sa société de production. Agé de 45 ans à l’époque, le producteur ne lui propose pas un rôle mais plutôt «un boulot d’escort». «J’organise des dîners avec des acteurs, des réalisateurs, des distributeurs […] et ils aiment avoir à leur table de jolies femmes avec de l’esprit, comme toi. Bien sûr, c’est rémunéré, et puis si, dans le lot, il y en a un qui te plaît, libre à toi de te faire plus d’argent le soir…», lui aurait soufflé le producteur.
Déjà mis en examen pour viol et tentatives de viol en juillet 1997
Agée de 15 ans en 1985, Elsa* (prénom modifié) se souvient de cet après-midi où elle s’est rendue dans l’appartement du producteur, situé à quelques encablures du parc Monceau, dans le très cossu VIIIe arrondissement de Paris. Son espoir : obtenir un rôle dans le prochain film du réalisateur Robin Davis. Le producteur lui propose de se servir dans la boîte de chocolats Fauchon disposée sur la table basse, avant d’entamer une visite de son appartement, «soit une chambre ouverte sur le salon». «J’ai tout de suite eu envie de partir… Mais, d’un seul coup, il m’a poussée sur le lit et m’a sauté dessus. Je me souviens très bien de ses lèvres, de sa bouche dégueulasse. Il était laid, malgré ses mains manucurées. C’était bestial ! Je sens encore la pression de son corps sur le mien. Il m’a maintenue et m’a violée», raconte Elsa.
Fellation imposée, agressions sexuelles, viols, les témoignages des victimes s’enchaînent. Informé par la rédaction d’Elle de la publication de cette enquête, Alain Sarde a choisi de répondre par l’intermédiaire de son avocate Jacqueline Laffont : «Sans communiquer leur identité ni la teneur précise de leur récit, le magazine Elle a invité Alain Sarde à répondre aux allégations de neuf femmes qui le mettraient en cause, pour la plupart une quarantaine d’années plus tard, dans le cadre d’une enquête sur les violences sexuelles au cinéma. Alain Sarde est indigné et anéanti par ces allégations, toutes mensongères, qui lui prêtent des comportements qu’il réprouve et qui lui sont totalement étrangers.»
Aucune de ces neuf femmes n’a jamais témoigné contre le producteur devant la justice. Pourtant, Alain Sarde a été déjà été mis en cause pour des faits similaires en 1997, dans une vaste affaire de proxénétisme de luxe. Au cours de l’enquête, deux femmes ont accusé le producteur de les avoir violées lors de rendez-vous organisés par le photographe Jean-Pierre Bourgeois finalement condamné en 1999 pour proxénétisme aggravé. Alain Sarde, est, lui, mis en examen pour viol et tentative de viol le 8 juillet 1997. Le changement du juge d’instruction chargé de l’enquête, et une ordonnance de non-lieu auront raison des accusations.