Menu
Libération
Turbulences

#MeToo du cinéma : vers une nouvelle ère critique ?

Réservé aux abonnés

La Nouvelle Vague a façonné les critères moraux du rapport au cinéma en France, une politique des auteurs aujourd’hui en crise et qui oblige à se doter de nouvelles boussoles critiques.

Jacques Doillon et Judith Godrèche dans «la Fille de 15 ans». (Odessa Films/Collection ChristopheL. AFP)
ParDidier Péron
Rédacteur en chef adjoint - Culture
Publié le 23/02/2024 à 8h40

«Le travelling est affaire de morale» (Godard, 1959) ; «Le cinéaste juge ce qu’il montre, et est jugé par la façon dont il le montre» (Rivette, 1961) ; ou encore «Tout film est un documentaire sur son propre tournage» (diversement attribué à Rohmer et surtout Rivette, sans trace de la provenance de cette affirmation pourtant rebattue). Ces quelques axiomes ont servi de viatique aux cinéphiles français à travers au moins trois générations pour construire leur regard sur les films, rejeter une certaine forme d’académisme au profit d’une modernité plus frondeuse. Mais près de soixante ans plus tard, tous ces messieurs étant morts, le cinéma réclame de nouvelles boussoles critiques.

Un monde sans garde-fou

Il faut du temps, faut-il croire, pour y voir clair – ou voir différemment – puisque, par exemple, quand le casting principal de la Vie d’Adèle, palme d’or à Cannes en 2013, évoque dans la presse américaine un tournage «horrible», cela n’entache en rien le prestige de son réalisateur, Abdellatif Kechiche, et le film fait plus d’un million d’entrées France (et plus de 16 millions de dollars de bénéfice à l’international). Il y a une longue histoire de la figure du démiurge et il faudrai