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Libération
Critique

«MMXX», névroses fanées

Le Roumain Cristi Puiu replonge dans le confinement partiel de 2020 à travers quatre saynètes qui manquent de cruauté et de virtuosité.
Oh pandémie, névrose, corruption, machisme, égoïsme et crime organisé : tous les thèmes y passent, en douce et en force. (Christi Puiu/Shellac)
publié le 30 octobre 2023 à 18h32

A époque divisée, film en morceaux : récit du Covid et de son après, l’antidaté MMXX de Cristi Puiu (pour 2020, mais en chiffres romains) avance, sinon tourne en rond, selon le principe du coq à l’âne, passant d’une de ses quatre parties à l’autre en suivant – toujours sur le fil du rasoir – untel de ses personnages, paumés comme tout le monde, sans poursuivre une quelconque narration unifiée. Dans une grande ville roumaine sous confinement partiel, ses amples saynètes prennent le temps de déplier leurs désagréments. Une psy reçoit une patiente pour une première séance qui les fait se perdre ensemble dans les méandres idiots d’un questionnaire de santé mentale ; la même, en famille, doit supporter son frère et son mec en gérant par téléphone l’urgence médicale d’une amie ; deux travailleurs hospitaliers, dont l’insupportable conjoint, parlent de la dangereuse rencontre de l’autre type avec la copine d’un bandit ; deux flics se confrontent au témoignage d’une femme prise elle aussi dans les rets de la mafia. Oh pandémie, névrose, corruption, machisme, égoïsme et crime organisé, tous les thèmes y passent, en douce et en force, comme dans un medley du répertoire disponible à un certain cinéma roumain ou mondial, assez peu empathique sans être assez cruel, aux yeux duquel «les gens», suppôts de «la société» ne trouvent jamais tellement grâce.

Cristi Puiu, qui fut un temps l’un des hérauts, du rang des ironistes, d’une certaine nouvelle vague nationale, semble devenu bien janséniste. Il semble ici compter, à ne rien trop nous dire, sur un plaisir ou une virtuosité (de l’écriture, des acteurs, de la caméra) qu’aussi bien on trouvera absents. Reste une fable à fragmentation, à la fois conceptuelle et hyperréaliste (c’est-à-dire misanthrope), qui n’aidera pas plus qu’autre chose à conjurer ni apaiser l’état post-traumatique persistant et enfoui laissé sur toutes choses ici-bas par l’année de son titre.

MMXX de Cristi Puiu avec Bianca Cuculici, Otilia Panaite… 2h40.