Monument du cinéma français, Alain Delon est mort à 88 ans, ont annoncé ses enfants ce dimanche 18 août. Depuis, les hommages se multiplient et les souvenirs en compagnie de l’acteur comme les anecdotes méconnues fleurissent sur internet. Libé en a sélectionné cinq pour agrémenter les conversations autour de la légende du 7e art.
Alain Delon a viré de chez lui un président de la République
En 1974, quelques mois après l’avoir soutenu à la présidentielle, le «samouraï» a sabré Valéry Giscard d’Estaing, qui s’était invité à l’improviste pour boire le thé avec sa compagne de l’époque, Mireille Darc. «Il était amoureux fou de Mireille. Un jour, je rentre chez moi, j’ouvre la porte, il sortait, il était passé, juste comme ça…», s’est remémoré Alain Delon en 2021 auprès de TV5Monde, comme l’a repéré le HuffPost. Dans son livre Entre chien et loup (2022, éd. Points), Anthony, l’un des fils de l’acteur, rapporte aussi le souvenir confié par Mireille Darc : «Lorsque mon père tomba sur eux dans le salon rouge, piqué au vif, il eut ces mots : “Bonjour monsieur le président, je ne reçois chez moi que les gens que j’invite, je vous demanderai donc de quitter les lieux immédiatement”.» «Je ne pense pas qu’un président en exercice ne se soit jamais fait virer de la sorte», résume Anthony Delon, selon qui le chef de l’Etat «à la réputation de coureur» ne se serait pas fait prier pour quitter l’appartement de l’acteur jaloux. «Pour lui, il a mis un mec dehors, qu’il soit président, boulanger, ou général, c’était pareil», a également raconté Anthony Delon sur France Inter, narrant une discussion avec son père. Seule exception : Alain Delon aurait «pris des gants» pour éconduire Charles de Gaulle, avait affirmé à son fils le grand admirateur du fondateur de la Ve République. «Mais de toute façon, le Général ne se serait jamais retrouvé dans cette position.»
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Alain Delon a prêté son visage à un personnage de manga
Depuis la sortie de Plein Soleil au Japon en 1960, Alain Delon y est une immense star, «un dieu vivant» ajoutait même modestement le principal intéressé sur le plateau de TF1 en mai 2013. Peu étonnant que sa figure de rebelle à gueule d’ange se soit retrouvée par deux fois dans les pages de mangas. En 1986, le dessinateur Ryoichi Ikegami s’inspire de l’acteur français pour créer le «Crying Freeman», un assassin à la solde des triades chinoises qui laisse couler des larmes à chaque meurtre commis, et personnage principal du manga éponyme. Invité d’honneur de la cinquantième édition du Festival international de la BD d’Angoulême en 2023, Ryoichi Ikegami a avoué son amour pour l’acteur. «Quand j’étais jeune, je regardais beaucoup de films français. Aujourd’hui, je me trouve sur la terre où est né Alain Delon, alors croyez moi je ne pourrais pas être plus honoré.» Ryoichi Ikegami est l’auteur d’une œuvre souvent jugée viriliste, marquée par une vision idéalisée de l’homme, indépendant et rebelle.
Le tueur aux yeux de pluie est de retour dans une nouvelle édition Perfect de Crying Freeman. 💧
— Glénat Manga (@Glenat_Manga) October 17, 2023
C'est le moment de (re)découvrir ce grand classique de Kazuo Koike et Ryoichi Ikegami avec le premier tome déjà disponible !
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L’acteur français a même failli se retrouver sous les traits d’un personnage autrement plus connu : Cobra. Son créateur, Buichi Terasawa, fan du Samouraï de Jean-Pierre Melville, a longtemps hésité à lui donner le visage d’Alain Delon. Dans le premier épisode du manga, il a même dessiné le charmeur de l’espace au bras bionique avec son visage et son regard ténébreux. Buichi Terasawa a toutefois fini par se raviser et a donné à Cobra la gueule de Jean-Paul Belmondo.
En tant que français cet animé devrait encore plus nous toucher car cobra a la tête d'Alain Delon et Jean Paul Belmondo 2 acteur légendaire français pic.twitter.com/UT9WZcz3OD
— BTX (@kingbtx92) August 30, 2023
Alain Delon a réalisé son plus gros carton en France avec un film Astérix
On pourrait facilement croire que le plus gros succès cinématographique d’Alain Delon dans le pays se trouve parmi Plein Soleil, Borsalino, le Guépard, le Samouraï ou encore Notre histoire, qui lui a permis de décrocher son seul césar du meilleur acteur en 1985. Mais il n’en est rien. C’est sous la toge et la couronne de lauriers d’un Jules César très imbu de sa personne et franchement ridicule qu’Alain Delon a connu son plus grand succès au box-office français avec Astérix aux Jeux olympiques. Bien que d’une qualité limitée, le film avait fait 6,7 millions d’entrées à sa sortie en 2008 selon le site boxofficestory. Sorti en 1970, Borsalino avait rassemblé 4,7 millions de spectateurs dans les salles françaises.
Alain Delon n’a qu’une seule rue à son nom dans l’Hexagone
Cette petite rue se trouve dans les nouveaux quartiers de Cholet, dans le Maine-et-Loire. Longue de 220 mètres, la rue Alain-Delon jouxte les rues Romy-Schneider, Jean-Gabin, Lino-Ventura ou encore Jean-Pierre Melville. C’est en 2020 que le conseil municipal de Cholet a décidé de donner à ces rues les noms de «femmes et d’hommes qui ont résisté au nazisme par le cinéma et plus largement par l’art», rappelle le Courrier de l’Ouest. Mais le nom d’Alain Delon avait alors soulevé quelques interrogations, l’acteur étant toujours vivant à la dénomination de la rue. Le maire de Cholet, Gilles Bourdouleix, avait balayé ces doutes du revers de la main en précisant qu’il n’y avait «aucun problème à donner le nom d’une personnalité vivante» à une rue, rappelle le journal local. Le maire avait, au même moment, précisé que le nom d’Alain Delon avait été retenu en hommage à son rôle dans Paris brûle-t-il ?, où il incarne Jacques Chaban-Delmas.
Alain Delon voulait choisir le titre et la une de sa nécrologie
Pour des acteurs du calibre et de l’âge d’Alain Delon, la nécrologie est souvent rédigée depuis un certain temps, attendant sa publication. Mais le titre est déjà est moins certain, alors la une du journal qui y est consacrée… Pourtant, Alain Delon imaginait déjà la sienne, comme le racontent nos confrères du Parisien. Lecteur assidu du quotidien, il leur avait accordé une interview en 2009. L’acteur avait conclu l’échange en confiant aux journalistes qu’il avait déjà en tête la une du journal consacrée à sa mort : «Quand je partirai, j’imagine la une avec une grande photo et ce titre : “Le samouraï est mort”.» Alain Delon n’en démordait pas. Il voulait sa une de guerrier japonais. En 2020 il était revenu à la charge et avait raconté une histoire similaire aux journalistes de la revue Schnock, qui écrivaient un numéro consacré à l’acteur, comme l’a relevé France Info : «Un jour, il n’y a pas très longtemps, à une conférence de presse, j’ai dit aux 50 journalistes : “Demain, je meurs. Votre titre, c’est quoi ?” Ils ont tous répondu : “Le Samouraï est mort.” Je leur ai dit : “Parfait, on est d’accord”.» Un journaliste de Libé s’était-il glissé dans ce parterre de 50 rédacteurs ? Va-t-il faire respecter la volonté, que certains qualifieraient d’un poil présomptueuse, du «Samouraï» en réunion de une ? Pour le savoir, il faudra se rendre en kiosque lundi.