Dans la galaxie des actrices fétiches de Fassbinder, chaque actrice était autant une facette d’un idéal féminin qu’un écho de sa maman. Margit Carstensen était la tragédienne, avec le nom altier qui fait bien sur les affiches. Mince, blême, plus arbre noué que brindille. Dans le rôle-titre de la modiste diva des Larmes amères de Petra Von Kant (1972), elle prodiguait un magnétisme singulier, tout en poses vaporeuses, maniérismes de star du cinéma muet et de Nosferatu en robe. Carstensen /Petra se débat, vivante dans le chagrin d’amour mais aussi artificielle que le décor qui l’entoure. On est loin de la petite fille de médecin introvertie («Je brillais à l’intérieur mais je ne laissais rien sortir», disait-elle) née en 1940 dans le nord de l’Allemagne, à Kiel (ville d’un autre spécialiste des passions vraiment en toc, Eric Braeden, l’acteur du soap opera les Feux de l’amour), et qui s’ouvrira grâce au théâtre. «Elle souffrait de migraine […] et, a priori, elle ne voulait plus jouer», dira Fassbinder qui la rencontra en 1969 et en fit une de ses muses sur les planches.
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A l’écran, elle sera pour lui la victime parfaite, celle des sentiments et de la société, en jeune mariée masochiste, réduite à l’état de poupée exsangue, dans Martha (1974) ou en g