«Paramount un jour m’a appelé et m’a dit : “Nous venons d’acheter les droits d’adaptation d’un nouveau roman de Mario Puzzo, ça s’appelle le Parrain. On aimerait que vous réfléchissiez à une adaptation cinéma.” J’ai répondu : “La mafia ne m’intéresse pas”», racontait Peter Bogdanovich au magazine Vulture en 2019. Une anecdote parmi des milliers d’autres, égrenées avec cet éternel détachement bullshit qui était le sien. Le cinéaste le plus atypique et déphasé de la génération du Nouvel Hollywood est mort jeudi de causes naturelles, à l’âge de 82 ans. C’est un rare cas outre-Atlantique de réalisateur-critique-passeur-cinéphile, l’équivalent d’un Bertrand Tavernier. Les deux étaient instantanément reconnaissables par leur œil divergent et le fétiche du cache-col – foulard pour l’Américain, écharpe pour le Français.
Côté pile, Bogdanovich laisse une belle filmographie mélancolique, romantique, infusée par des muses blondes (ses amours Cybill Shepherd et Dorothy Stratten) et l’âge d’or de Hollywood qu’il adorait. Jamais forcément de «grands sujets» (qu’est-ce que cela veut dire de toute façon), mais de «tout petits morceaux de temps qu’on n’oublie pas», pour reprendre sa définition préférée du cinéma et décrire aussi une manière de regarder, fixer le passé tout en privilégiant les moments les plus vaga